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Grotte de Lifou

Avec l’autorisation des responsables coutumiers et l’aide d’amis , nous avons pu explorer et topographier 1591,07 mètres de galeries souterraines dont 733 mètres de rivières souterraines, dans les 3 districts de l’ile. Une interview radio a été réalisée afin de diffuser la connaissance sur le sous sol de Lifou.

La grotte de Jintresij (lössi) devient la 3ième plus importante de Lifou (et de calédonie) avec 5280 mètres dont 1033 mètres de rivières souterraines.

Le terminus de la galerie noyée se fait de l’autre coté de l’obstruction de la fin 2018 dans une fracture proche de la falaise interne de l’ancien bourrelet récifien. La galerie principale trouvée cette année est perdue sur un changement de direction important dans une grande salle basse. La suite sera en 2020. Pour ces plongées, je dois utiliser un bi 7 litres dorsal, et une bouteille relais de 6 litres laissée à 400 m de l’entrée, un relai 10 litres laissé à 640 mètres de l’entrée. L’importance du matériel à transporter demande une aide pour l’accès dans la forêt puis dans la grotte.

Une question reste posée, pourquoi l’eau du lac situé a 1,5 km de la mer est saumâtre, alors qu’elle redevient douce a 300 m plus loin, a la même distance en ligne directe de la mer. On retrouve la même chose dans la partie sèche où les lacs près de l’entrée sont saumâtres quand sont situés a un kilomètre et plus près de la mer redeviennent non salés. Cela pourrait indiquer une grosse galerie à trouver, qui relierait la mer au lac de départ et viendrait polluer l’eau douce à chaque marée?

Dans la partie exondée, des traces de passages anciens, nous ont guidé par un passage étroit vers une immense salle donnant sur une entrée dans une doline anciennement cultivée. Celle ci est bien visible sur les photos aériennes. Le lac de près de 100 m de long proche de l’entrée a été parcouru. Il semble qu’un départ de galerie noyée existe  à son extrémité. L’eau rapidement troublée par un gros dépot de guano ancien n’a pas permis de confirmer cette impression. A suivre, tout comme la recherche du passage qu’empruntent les chauve souris pour se retrouver ici.

Oblivion 3 dans le wetr a donné une nouvelle galerie noyée reliant le gouffre 3 au gouffre 4. La taille importante de ces galeries, incite a trouver plus en amont, vers les éoliennes la riviere qui les alimente. Une petite grotte sur le chemin des éoliennes, montre qu’il existe effectivement une fracturation importante mais sans atteindre le conduit principal.

Dans le Gaica, 2 petites grottes de la tribu de qanono, dont l’une montre une fréquentation ancienne, qui la encore a cessé brutalement il y a plus de 1000 ans. Ceci se manifeste par la taille des stalagmites qui ont poussées sur les dépots de charbon de torche. Une datation par un archéologue serait indispensable pour mieux connaitre le passé de Lifou.

Aujourd’hui, je connais 95 grottes et trou d’eau à Lifou pour un développement total de 55552 metres dont 8670 mètres de trou d’eau et rivières souterraines. Hnanawae à wedrumel reste la plus grande du territoire avec 11410 mèttres de développement, suivie d’Athépé sur Jila, kumo et Xepenehe qui atteint 9811 mètres de galeries et salles immenses, puis jintresij et ses 5280 mètres, et la deuxième riviere souterraine de lifou. Hnatresij a la plus grande rivière souterraine avec une longueur de 2330 mètres. Ces chiffres sont indicatifs et ne représentent pas le volume des grottes de lifou car une galerie de 30 mètres de large ou un boyau de 50 cm de diametres seront mesurés par leur seule longueur.

Il y a sans doute beaucoup plus a découvrir car certaine tribu n’ont pas encore été prospectée. Des gouffres visibles d’avion comme à Siloam ou Hnamane n’ont pas été explorés malgré leur intérêt dans l’attente d’autorisations coutumières.

Il est aujourd’hui certain que la mise en commun de toutes ces explorations, l’étude plus approfondie par des spécialistes donnerait une information importante pour la connaissance de Lifou, de son histoire, de son hydrologie, de sa fragilité vis a vis de l’eau potable entre autre. Les vieux s’éloignent et la mémoires des grottes et des trous d’eau disparait peu à peu. Il faudrait qu’un recensement des entrées se fasse aujourd’hui  sous l’autorité du conseil d’aire N’Drehu  afin qu’une exploration méthodique puisse ensuite être réalisée lorsque les terriens en seront d’accord.

Il reste aussi a faire connaitre ce travail vers la population, la province et l’ensemble des calédoniens.

Cette expédition spéléologique du club AVENS était agréée par la Fédération Française de Spéléologie et aidée par le Comité Spéléologique d’Ile de France et mon club de plongée Akawan.

Philippe

Dans les entrailles de Drehu

L’expédition Lifou 2014 parrainée par la Fédération Française de Spéléologie et aidée par le COSIF, s’est déroulée du 25 juillet  au 25 aout 2014 sur l’ile de Lifou en Nouvelle Calédonie pour poursuivre nos explorations débutées en 1995. Quatre spéléologues d’AVENS y participaient : Matthieu Caillaud, Laurent Thomas, Ludovic Verfaille et Philippe Brunet.  Notre travail mené avec l’aval des autorités coutumières permet d’enrichir les connaissances sur les grottes et les rivières souterraines de l’ile.

En 2014, après 3 000 mètres de découvertes supplémentaires, nos explorations sur l’île de Lifou totalisent 42 kilomètres de galeries souterraines.

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Cette année, comme chaque année depuis 2008, le club AVENS est parti en exploration dans les entrailles de l’île et en a rapporté quelques kilomètres de cartographie supplémentaires. Philippe Brunet, le responsable d’expédition,  a débuté en 1995 les explorations  sur Lifou avec Christian Thomas du SCX.  Depuis 2008, l’Association pour la Valorisation des Espaces Naturels Souterrains revient chaque année au mois d’aout pour poursuivre  ce travail. En avançant pas à pas, nous avons ainsi découvert à ce jour 42 kilomètres de grottes.  Nous en sommes aujourd’hui à 36 kilomètres de grottes sèches et 6 kilomètres de rivières souterraine et trous d’eau.  La grotte Athépé développe 8906 mètres de galeries de 10 à 30 mètres de diamètres  et Hnanawae avec 12000 mètres de galeries labyrinthiques est la plus grande  du territoire.

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Comprendre

Depuis tant d’année,  l’exploration sur Lifou est devenue une véritable passion.  L’exploration permet  de découvrir des territoires  non connus et d’en faire  la cartographie qui permet de comprendre.  Si nous demandons systématiquement au préalable les autorisations coutumières dans chaque lieu exploré, nous ne concevons pas de repartir simplement avec les données collectées. L’exploration n’est intéressante que dans une optique de partage. Les topographies et les photos permettent de rapporter quelque chose et de donner.  C’est un retour  vers ceux qui sont sur la terre et ne pourront pas aller au dessous.

Dans une île où aucun cours d’eau n’existe, les galeries souvent sèches se transforment parfois en véritables rivières.  En 2009, dans la tibu de Kumo, Philippe a découvert avec l’aide de sylvain Pujolle, de – 35 à – 50 mètres de fond, dans un trou d’eau au fond d’un gouffre dans la brousse, un important gisement de coquilles de Nautiles en cours de fossilisation.  Ce gisement fait l’objet aujourd’hui d’études indépendantes par l’IRD, l’université de Nouvelle Calédonie, Edythem et une université américaine sous la direction du chercheur spéléologue que Philippe a emmené sur le site en 2010.

A chacune de nos expéditions, Philippe rencontre le président de l’aire coutumière Drehu, le grand chef Evanes Boula, pour lui remettre un compte rendu détaillé. En 2014, la synthèse des explorations de chacun des 3 districts a été transmise pour chacun des grands chefs. Nous proposons aussi des temps de rencontre avec le public et les scolaires au cours de conférence au collège.

Le partage avec les scientifiques est systématisé, en 2010, 2011 avec des géologues pour les Nautiles, en 2012, 2013, avec un hydrogéologue pour l’étude de la lentille d’eau douce, et en cette année, avec un spécialiste des chiroptères pour l’identification des chauves souris. Ainsi, pour la première fois sur le territoire, des chauves souris ont été observées en état d’hibernation causé par une vague de froid exceptionnel au cours de cet hiver austral.

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Un stage de plongée souterraine durant l’expédition a permis de perfectionner certains des stagiaires des années précédentes dans la grotte de Luengoni. Des images ont été tournées à cette occasion. Conformément à la convention toute récente avec la FFESSM, ce stage était accessible aux fédérés FFESSM non adhérents FFS.

Eau

L’ensemble des explorations permet également  d’expliquer une partie de la formation de l’ile et la circulation de l’eau dans le sol de Lifou. Des trous d’eau visibles par photos aériennes de We à Jozip n’ont pas encore pu être plongés par défaut d’autorisation. Leur exploration est indispensable pour améliorer les évaluations des réserves d’eau douce. Ces connaissances sont nécessaires pour la compréhension des risques de pollution et pour prendre en compte la vulnérabilité des ressources en eau potable, pour les protéger.

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Les explorations spéléologiques rejoignent les connaissances historiques. Dans la société Kanak des iles Loyauté au XIX e siècle, l’eau était rare et les tribus allaient chercher ce qui leur était nécessaire dans les grottes.  Au XXe siècle, ce sont des citernes enterrées construites près des maisons qui ont pris le relais. Les toits de tôle permettent la récupération de l’eau de pluie en quantité plus importante. Dans le même temps les religieux protestants organisent les tribus autours des lieux de cultes,  loin des points d’eau devenus inutiles. Le chemin des grottes est alors abandonné.

Cette ressource est vulnérable. Depuis une trentaine d’années, la création de stations de pompage et la mise en place de l’adduction d’eau  apporte un nouveau confort . Les calculs prévoient une nappe abondante, mais nos plongées montent qu’au niveau des drains karstiques, la remontée de l’eau salée est beaucoup plus importante qu’on ne l’avait supposé. La gratuité de l’eau sur l’ile, le gaspillage et les fuites induisent un  pompage excessif. L’eau est saumâtre parfois très près de la surface, la réserve est donc limitée sans que la situation soit préoccupante aujourd’hui. En effet l’ile qui a connu jusqu’à 40 000 habitants au 19 ème siècle n’en compte plus qu’environ 6 à 7000 iliens permanents aujourd’hui.

 

Une équipe de Thalassa a suivi les 4 premiers jours de l’expédition pour un reportage de 26 minutes, qui sera diffusé en 2015.

Après 3 kilomètres de nouvelles découvertes, nous pensons revenir en 2015.

Philippe Brunet

ph.brunet at free point fr