Canyon y Machete Colombie

L’expédition Canyon y Machete a pour objectif l’ouverture de canyons en Colombie. Une première expédition s’est tenue du 15 novembre 2016 au 4 avril 2017. Elle avait pour objectif de développer le canyonisme en Colombie sur différents plans : développement de la pratique du canyonisme, formation en canyonisme et prospections de nouvelles courses. A cette fin, un gros travail de terrain nous a permis d’étudier les régions les plus propices à l‘ouverture de canyons, entre lesquelles : Valle del Cauca, Risaralda, Quindio, Cundinamarca, Meta, Huila et Putumayo. Durant cette expédition nous avons descendus 29 canyons, dont 11 font partie de nos ouvertures. La moitié du pays étant occupée par des massifs montagneux, nous nous sommes rendu compte que le potentiel d’ouverture était aussi grand que notre envie de revenir explorer ces terres.

C’est pourquoi nous organisons rapidement une nouvelle expédition, du 31 octobre au 4 décembre 2017, à laquelle fait partie un troisième canyoneur confirmé : Michael BOUILLOUX. Notre expédition est avant tout une aventure Franco-colombienne. Grâce à notre travail de repérage et à nos nombreuses rencontres et amitiés, nous avons pu cibler sur trois points de chute : en priorité le Nariño. Situé dans le sud du pays, ce département nous avait fait rêver la fois précédente mais des pluies diluviennes nous avaient empêchés d’aller repérer. Pourtant, là où la Cordillère des Andes donne naissance aux trois chaines de montagnes : occidentale, centrale et orientale, le nombre de cascades est inquantifiable ! Une fois satisfaits de notre travail dans le Nariño (2 semaines), nous planifions de retrouver nos amis colombiens dans le département voisin du Putumayo (1 semaine). Enfin, nous avons prévu de constituer une dernière équipe franco-colombienne dans le département de l’Antioquia, à une vingtaine d’heures de bus vers le nord du pays (1 semaine).

Mais arrivés en Colombie, nous devons déjà trouver des solutions de repli, un plan B. Lorsque nous nous dirigeons vers le Sud du pays, par la seule voie desservant Pasto, capitale du Nariño, une révolte de populations indigènes barre la route, empêchant toute circulation vers ce secteur. C’est seulement arrivés à Cali, à presque mi-chemin, que nous apprenons cet évènement. Nous évoquons bien sûr la possibilité d’un transport aérien, en ayant conscience des frais qu’engendreront nos bagages sur un vol interne, mais au même moment une grève des pilotes condamne également cette possibilité.

Nous ne pouvons pas retourner notre itinéraire, car ni nos amis de l’Antioquia, ni nos amis du Putumayo ne sont prêts à nous recevoir si tôt. Il nous faut un plan B… Notre travail précédent nous permet de nous retourner rapidement, et dès le lendemain nous descendons les cascades de tuf de Chicala, dans le département du Tolima, que Jérôme, le 4ème membre de Canyon y Machete, avait ouvert en 2014. Le soir même nous faisons la rencontre de Sigifredo, l’acteur local du développement du canyoning, pour établir un plan d’attaque dans ce secteur improvisé. Sigifredo nous accueille avec toute la gentillesse et la générosité propre aux Colombiens, mais comme nous n’avions pas prévu d’aller dans le T

Canyon de Makuk , Narino

olima, notamment à cause de la météo pluvieuse actuelle, il a été difficile d’organiser des ouvertures : les canyons sont en crue, l’eau ruissèle sur toutes les pentes. Cela dit, nous sommes reconnaissants de ce changement d’itinéraire, qui nous a permis de découvrir l’incroyable vallée du Combeima. C’est la première fois que nous rencontrons, depuis notre découverte de la Colombie, une vallée si propice au développement du canyoning. En logeant dans cette vallée, on peut rayonner en étoile pour descendre les 16 canyons aujourd’hui ouverts. 16 canyons, et on en recense une centaine encore jamais descendus. Pendant que les indigènes barrent notre route, nous profitons de ce temps pour descendre les incontournables classiques de la vallée, non sans émotions car elles sont bien chargées en eau. Nous profitons ainsi des belles descentes de la Honda et de la Plata (partie inf.) tout en rêvant du moment opportun d’ouvrir leur partie supérieure. L’idée nous reste dans un coin de la tête de revenir à la fin du mois, si notre agenda nous le permet. Nous passons le reste de notre temps à marcher en montagne, à repérer de nouveaux projets d’ouverture, si alléchants qu’on peine à quitter cette belle vallée pour reprendre nos projets initiaux. La situation avec les « groupes indigènes » ne s’est pas débloqué, mais nous pouvons contourner le barrage en prenant une route secondaire : « le tremplin de la mort ». Cette longue piste sinueuse nous permet de contourner le blocage en nous faufilant dans la Cordillère des Andes, et en priant pour qu’un des nombreux éboulements de terrain dont souffre cette voie ne se produise pas lors de notre passage.

 

 

Avec ce contre temps, nous avons déjà « perdu » une précieuse semaine d’expédition, et nous savons d’ores-et-déjà que soit l’étape du Putumayo, soit l’étape de l’Antioquia devra être sacrifiée.

Nous sommes accueillis dans la ville d’altitude de Pasto (2250m) par notre ami Colombien Tarik, seul et unique canyoneur du département. Tarik est de bon conseil, il connaît très bien sa région. La fois précédente, de nombreux colombiens nous ont fait rêver en disant que les deux canyons les plus ludiques de la Colombie se trouvaient dans le Nariño. Makuk et Mozamorra ont sculptés des sauts et des toboggans dans une roche ressemblant au granite. Lorsque nous avons vu les images, nous n’avions plus aucune hésitation : c’est exactement le type de canyon que nous cherchons. Et c’est la raison pour laquelle nous sommes venus jusqu’ici. Nous allons donc prospecter dans la région du cañón de Juanambu. D’après nos recherches Google Earth, et les échos que nous avons de cette région, le secteur regorge de canyons.

Pourtant, quand nous arrivons, la première idée qui nous vient en tête est : « Dis donc, c’est vraiment aride par ici ».

Canyon du Barranco, Narino

Après s’être fait cette réflexion, nous passons trois jours à marcher dans la montagne pour vérifier nos projets. Malheureusement, la plupart des canyons potentiels que nous avons pointés sont soit inaccessibles, soient … secs ! Nous dévalons tout de même avec joie les toboggans du canyon de Makuk, l’icône du ludisme en canyoning. Nous ouvrons également deux courses : le canyon sauvage de Las Delicias, avec plusieurs cascades de 30m sculptées dans une belle roche, ainsi qu’une étonnante petite course taillée dans une veine de marbre : le San Pedro. Finalement ça sera tout pour ce secteur.

Nous décidons d’aller prospecter un peu plus loin, dans le secteur de La Cruz, où la cascade de Tajumbina nous fait bien envie. Haute d’une soixantaine de mètres, elle cache en amont une étroiture tout à fait séduisante. Lorsque nous atteignons enfin la convoitée, une pluie battante la met en crue en moins d’une demi-heure. La saison des pluies commence juste dans le Nariño, le moment n’est pas opportun pour ouvrir cet estrecho. Mais il nous laisse plus que rêveur, et il reste dans un coin de notre tête. Nous rebroussons donc chemin, en notant au passage une autre ouverture possible : le grande verticale de San Francisco (200m), précédée également d’un très bel encaissement. Mais nous choisissons de respecter notre agenda et de passer au secteur suivant. Au passage, nous faisons tout de même halte au village de San Pablo, pour ouvrir le canyon de San Pablo qui finit dans le village. Il nous tends les bras. En amont le canyon est taillé dans un joli petit encaissement, permettant quelques sauts et toboggans dans des petites vasques profondes. Puis, arrivés à la plus grande verticale (45m), nous perçons dans une sorte de grès, la roche est très friable, plusieurs goujons ne prennent pas. Nous jouissons toute la descente d’une vue surplombant San Pablo.

Nous arrivons au village sous l’œil ébahit des villageois qui s’accumulent autour de nous alors que nous nous changeons. L’un nous filme, l’autre nous invite à nous changer à l’intérieur, une dame nous offre le café. Dans cette région qui voit si peu d’étrangers, nous paraissons pour des extraterrestres. Et effectivement, cette région a été extrêmement isolée jusqu’à l’année dernière (2016), lorsque les Guérillas, qui sévissaient sans relâche dans la région, ont accepté de rendre leurs armes. Depuis un an seulement, les villageois vivent enfin en sereinement. Je ne peux m’empêcher de penser aux enfants, qui sont venus se prendre en photo avec nous, qui n’avaient encore jamais connu, cette situation de paix. Il y a un an, les villages étaient tellement enclavés que les habitants pouvaient parfois ne jamais en sortir. Ils avaient régulièrement un couvre-feu qui leurs imposait de rentrer chez eux avant 14h. Pourtant, en passant dans ces villages, loin de nous l’idée qu’ils auraient pu être en proie à ces guérillas, tellement nous avons ressenti la gentillesse et la générosité des habitants.

Canyon de Yambinoy, Narino

Avec ces deux futurs projets en tête, nous passons étudier le secteur prévu suivant : la Florida, située au Nord Ouest du volcan de las Galeras. Les deux canyons potentiels que nous visons, le Yambinoy et le Rio Barranco, sont nichés dans les encaissements des contreforts du volcan. Les accès sont relativement aisés, mais leur encaissement et leurs grands bassins versant augmentent sévèrement la notion d’engagement. Lors de nos repérages, nous notons un fort niveau d’eau qui nous laisse dubitatifs. Est-ce que ça passe ? Les chutes d’eau sont puissantes, les vasques sont blanches, et pourtant quelque chose nous dit que c’est bon. Après concertation, nous descendons avec joie l’enchainement du Yambinoy. Son geyser (30m), le rappel de la faille (30m) et le joli saut final de 6m sont les obstacles qui nous ont le plus marqué. A peine sortis, nous trépignons d’impatience pour descendre son voisin le Rio Barranco. Il est plus long, il compte 3 estrechos, et il a encore plus d’eau que le précédent. Que faire ? Nous passons une bonne journée à marcher, à repérer, à collecter le maximum d’informations possibles sur les cartes, dans le paysage, auprès des locaux. Après concertation, nous concluons que ce canyon mérite une ouverture sur au moins deux jours, et impose quelques impondérables côté logistique : bivouac, transport, mules. Nous décidons d’ouvrir le premier estrecho. C’est le seul qui nous permet de réchapper juste après. Nous ferons ainsi mieux connaissance avec le canyon. Le débit approche le mètre cube/seconde, l’estrecho est taillé dans un basalte très sombre. Cette première partie est très courte mais nous mettons quand même 2h pour l’ouvrir, en installant notamment une belle main-courante d’accès à la dernière cascade que nous avions repéré de loin, alors qu’elle jaillissait de l’estrecho en une belle queue de cheval. C’est sûr, il faudra revenir à la saison sèche. Ce canyon a un énorme potentiel, il nous laisse tous les trois rêveurs. Décidément, que de beaux projets repoussés à demain. Mais en venant en Colombie en novembre, nous savions que ce début de saison des pluies pouvait nous faire défaut.

Nous passons donc au 4ème et avant-dernier secteur d’exploration du Nariño : le plateau de Cimarrones, aride, aux canyons taillés dans un granite d’une blancheur pure, nous rappelant presque les belles érosions du Tessin, en Suisse. Le canyon du Rio Salado est un objectif qui tient beaucoup à l’équipe. Les vasques de granite, d’une couleur bleu turquoise, si rares en Colombie, nous mettent l’eau à la bouche. Nous prions pour que les conditions soient réunies pour cette ouverture. Le plateau est assez éloigné. Afin de mettre toutes les chances de notre côté, nous devons demander l’hospitalité à une ferme, située à proximité du canyon. Ce qui nous permettra de nous lever à l’aube le lendemain, et d’attaquer la descente. Le Rio Salado est très encaissé, l’absence de végétation aux alentours et en amont, l’aridité du sol, et la forte inclinaison des pentes, sont autant de facteurs propices à une crue éclair, ce qui serait fatal une fois dans ce canyon encaissé, long de 2500m. Une seule condition sine qua non à l’ouverture : une météo stable. Ce soir nous dormons dans la petite ferme près du canyon. Les propriétaires sont d’une générosité incroyable, ils nous ont accueillis et nourri sans rien attendre en retour, sans même comprendre pourquoi nous voulions tant descendre leur rivière. Il a fait un soleil radieux toute cette journée de repérage, pourvu que demain ce soit pareil.

Membres : Frédéric CHEVALIER, Michael BOUILLOUX, Anaïs BOULAY.

Voir site de l’expédition : https://www.canyonymachete.com/

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