Expédition archéologique et spéléologique au Botswana Homini-Karst du 19 novembre au 14 décembre 2024

Prospection dans le bush

L’objectif de la mission Homini-Karst conduite par Laurent Bruxelles, est de documenter la présence d’hominines il y a plusieurs millions d’années, dans la région d’Afrique australe, afin de faire le lien entre Afrique de l’Est et l’Afrique du Sud où la quasi-totalité des vestiges ont été découverts. Il s’agit d’explorer des grottes très anciennes, des avens pièges, et de continuer particulièrement à étudier la brèche, un remplissage karstique cimenté par la calcite qui comporte des fossiles. Dans cette brèche, l’équipe de Homini-Karst recherche des fossiles de micro et macrofaune et des vestiges d’hominines. Pour mener à bien cette mission du CNRS, une équipe pluridisciplinaire de 12 chercheurs, spéléologues géoarchéologues et paléontologues est constituée, dont quatre licenciés à la FFS, (Laurent Bruxelles, Gregory Dandurand, Philippe Auriol, Véronique Olivier) a été réunie, avec la collaboration d’une équipe d’une dizaine d’agents du Musée national du Botswana.

Gcwihaba nord

La formation des grottes par fantômisation et biocorrosion est également le sujet d’étude de Laurent et Gregory, qu’ils continuent de documenter. Une attention particulière a été portée sur l’étude des paysages et l’environnement autour des cavités, avec Bastien Chadelle, doctorant de Laurent, afin de mieux comprendre le fonctionnement de l’écosystème, les échanges avec la surface.
Un congrès de deux jours dans la ville de Maun a permis de présenter les résultats préliminaires et de tisser des liens solides avec les scientifiques d’Afrique australe, notamment de Zambie, du Zimbabwe, d’Afrique du sud et du Mozambique. Le congrès s’est achevé avec la visite de l’ambassadeur de France au Botswana et sa rencontre avec la première secrétaire du ministère de l’environnement et du tourisme botswanais.

Waxhou nord et ses parois de sable

L’expédition s’est déroulée dans le nord-ouest du pays dans le désert du Kalahari, autour des collines de Gcwihaba et de Koanaka. Le séjour se déroule en 4×4 aménagés avec des tentes sur le toit, afin de garder de la mobilité entre les différentes zones d’étude, cuisine de campagne et douche solaire sont notre quotidien. Le masque FFP3 sur le visage est requis dans les cavités comportant des colonies de chauves-souris. La température est de 25 degrés sous terre jusque 28 degrés. La mission s’est déroulée après une année de sécheresse et des records de température : 46 °C, le jour le plus chaud de l’histoire du Botswana. Contrairement à l’année précédente, il n’y a pas eu de pluie.

Philippe pénètre dans Wadoum

La mission a produit dix fois plus de résultats que celle de 2023

Paléontologie : Jean-Baptiste Fourvel le paléofauniste a continué de documenter la présence des léopards dans la grotte de Gcwihaba. Apparemment il y a deux ados en plus du père et de la mère. Pierre Linchamps microfauniste et Raphaël Hanon taphomomiste ont fouillé, sur les indications de Laurent Bruxelles de la brèche fossilifère décalcifiée à Bones cave. Elle s’apparente à celle de Sterkfontein en Afrique du Sud par exemple. Sa texture meuble permet de réaliser un tri par tamisage, ce qui permet de traiter un volume beaucoup plus important de sédiments par rapport au traitement de la brèche dure à l’acide comme l’an dernier. Amel et Jacques Jaillet de l’institut des déserts et des steppes (les gentils séniors de notre équipe) ont activement participé aux opérations de tri des ossements.
Bones cave est THE cavité qui fera le succès, à terme, de la mission. Les sédiments qu’elle contient ont le bon âge (entre 2 et 3 millions d’années) et elle recèle encore une grosse quantité de sédiments fossilifères. Parmi les fossiles retrouvés dans la brèche, les paléontologues ont retrouvé des os de poissons, mais aussi d’un théropithèque, un primate disparu il y a 2 millions d’années.

Découverte du babouin momifié
Microfaune prise dans la brèche

Spéléologie : Laurent Bruxelles, Véronique Olivier et Philippe Auriol ont visité plusieurs cavités pour étayer le mode de formation des grottes, des relevés stratigraphiques ont été dressés. La visite de Waxhou Sud a permis la découverte d’un babouin momifié en bas d’un aven piège, à – 50 m au pied d’un talus de sédiments. Il a été scanné dans sa position initiale, la même que Little foot, l’australopithèque découvert en 1997 à Sterkfontein. Le babouin a été sorti de la cavité en duo par temps bien sec pour qu’il n’y ait pas de reprise de pourriture à la sortie du gouffre. Philippe a levé le corps et Véro a assuré son transport. La momie a été présentée sur le campus éphémère de la mission avant de partir pour être exposé au musée d’histoire naturelle de Gaborone et ainsi documenter l’intérêt des avens pièges dans la recherche des fossiles.

Dans Wadoum les racines de figuier brise roche transforment la cavité en jungle pétrifié

Communauté scientifique et coopération : Les 20 jours d’expédition sur le terrain se sont déroulés avec le soutien de 10 fouilleurs, agents du musée de Gaborone. Un congrès de restitution des travaux en cours en Afrique australe a permis la présentation des premiers résultats et la structuration d’un réseau scientifique sur les paléosciences à l’échelle de l’Afrique australe. L’occasion de faire connaissance avec des chercheurs qui pourront apporter leur regard, par exemple sur la recherche d’objets lithiques.

Regard sur les léopards dans la caméra trap

Perspectives 2025

La prochaine expédition en 2025 permettra de continuer la fouille de Bones caves sur les niveaux de brèche 2 et 3, pour sortir plus de fossiles, continuer la fouille de surface, et trouver des restes d’hominine.
Une conférence de restitution sera organisée au village de Xai Xai afin d’informer la population locale, de partager les découvertes et de poursuivre la collaboration (il y a 2 emplois de fouilleurs avec des villageois).
L’équipe d’Homini-karst apportera ses connaissances pour la constitution du dossier d’inscription de Gcwihaba cave au patrimoine mondial de l’UNESCO, dont la candidature est acceptée. Il s’agira du premier site où le guano et la biocorrosion auront une valeur mondiale, car ils constituent la valeur originale et unique de ces cavités parmi tous les autres sites inscrits au patrimoine mondial.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *