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Expédition canyon sur l’île de Sao Tomé : cascades et sensations

14 membres de l’Association AERE se sont dirigés vers l’ile de Sao Tomé, dans le golfe de Guinée, dans le but d’y présenter une nouvelle activité, d’en équiper les cascades, et de former nos guides-fixeurs.
Olivier Courtois, Dominique Courtois, Gérald Drieux, Yvan Schirmer, Jean-Michel Eidenschenck, Floria Drieux, Benjamin Némard, Emmanuel Remund, Julie Boulbes, Sandra Turillon, Pascal Hestin, Sandra Hestin, Sabine Repecaud, Jean-Jacques Membrede.
Cette expédition a obtenu l’agrément de la Fédération Française de Spéléologie et l’aide de notre Comité Départemental Spéléologique d’Alsace. Plusieurs fabricants ou revendeurs de matériels ont également apporté leur contribution :

  • Le fabricant de matériel de canyoning, Tebylon
  • Le fabricant de sacs et sacoches, Bag Bâche
  • Le fabricant Alsafix
  • Le magasin de sport Sport Loisir Équipement, à Belfort
  • Le magasin Canyon Zone
  • L’entreprise alsacienne VOB
  • Le droniste Julien Kloss et son entreprise

    Sur place, nous avons été pris en charge par José Gonçalves, dès notre sortie de l’avion. Il s’agit de notre hébergeur et loueur de véhicules. Wilson Pires, l’un de nos deux guides, est aussi là.


Journalier

Vendredi 17 octobre : toute l’équipe se rend soit en voiture, soit en train, à l’aéroport de Francfort (Allemagne), d’où partira le vol vers Lisbonne (exception faite de deux membres qui partiront de Bâle).

Samedi 18 octobre : via Lisbonne, vol vers Sao Tomé. Départ de Francfort à 6 heures du matin et arrivée le même jour à 19h, heure locale. José nous emmène à notre hôtel et nous offre son pot d’accueil.

Dimanche 19 octobre : l’ensemble des membres part en reconnaissance avec nos guides, Brice et Wilson. Au volant de nos 4×4, nous découvrons plusieurs sites le long de la rivière Abade, les accès amont et aval, les difficultés des pistes défoncées et des sentiers abandonnés.

Lundi 20 octobre : deuxième jour de prospection, en équipe complète, cette fois-ci le long de la rivière Ouro, de ses affluents, de la rivière Gemeas, et de la rivière Manuel Jorge… Que ce soit à pied ou par drone, nous repérons nombre de sites à explorer.

Mardi 21 octobre : deux équipes se dirigent vers le rio Ouro pour y descendre deux des affluents repérés, tout en initiant nos deux guides. L’affluent C34 et C15, dénommés ainsi par la hauteur des deux cascades visibles de la route, puisque ni chemin, ni cours d’eau ne sont représentés sur les cartes !

Mercredi 22 octobre : une équipe se rend à Sao Nicolau, pour descendre un peu moins de deux kilomètres de la rivière Manuel Jorge, alors qu’une seconde équipe démarre plus en aval, pour découvrir elle aussi un peu moins de deux kilomètres de rivière, entre Igreja et Milagrosa. La descente de la cascade touristique de Sao Nicolau est pour notre guide un incroyable défi, qu’il réalise avec une fierté dans le regard d’une immense intensité !

Jeudi 23 octobre : les membres se regroupent pour équiper un affluent du rio Abade, l’affluent C20, puisqu’une nouvelle fois, aucune rivière ne figure sur la carte.

Vendredi 24 octobre : prospection vers Angolares, pour y recenser Angolares, Angular, Nazares, Contador… et nombre d’affluents plus ou moins intéressants.

Samedi 25 octobre : une équipe se dirige vers le rio Ouro amont, alors que la seconde part explorer Gemeas. Les accès sont toujours compliqués, même si pour Gemeas, nous atteignons le point souhaité sans aucune erreur d’itinéraire.

Dimanche 26 octobre : l’équipe au complet se dirige vers ce qui deviendra l’une des perles de l’ile en matière de canyonisme, engagé, inquiétant, très aquatique, mais de toute beauté, le canyon de Gruta Morsego, « la grotte des chauves-souris » !

Lundi 27 octobre : une équipe se rend à Angolares, et la seconde à Angular. Au bas de la première cascade d’Angolares, l’équipe 1 se fait surprendre par une crue l’obligeant à quitter le cours d’eau, alors que la seconde, à la fin de la partie verticale, subit une brusque montée des eaux, la rivière passant en moins d’une minute de 40 litres/seconde à plusieurs mètres cubes ! Une frayeur n’ayant pour conséquence heureusement qu’une perte de matériel !

Mardi 28 octobre : une partie de l’équipe se remet de ses émotions de la veille alors qu’une seconde se rend dans la palmeraie du sud du pays, pour tenter de trouver des accès à la zone souhaitée de bivouac pour le secteur de la rivière Umbugu. Un sentier est trouvé, cependant toutes les rivières et affluents étant en crue, nous renoncerons à ce projet de bivouac.

Mercredi 29 octobre : retour à Angolares, sous le soleil cette fois-ci. Peu avant la fin de nos deux heures de marche d’approche, la pluie arrive. De plus en plus forte, elle nous fait hésiter. La rivière est en crue et nous rebroussons chemin une nouvelle fois. Un vallon parallèle, dont
la rivière ne figure sur la carte, nous permet de poser quelques points et de descendre quelques cascades. En arrivant à l’altitude basse de la grande cascade d’Angolares, nous la rejoignons pour en descendre la suite, puisque les 3⁄4 du débit sont ici captés vers l’unique centrale hydro-électrique de l’ile. La fin de la journée est marquée par une inspection le long d’Angular pour tenter d’y retrouver deux sacs emportés par la crue.

Jeudi 30 octobre : journée tous ensemble à Gue Gue, un site en aval de la rivière Manuel Jorge. L’unique cascade offre une vue parfaite pour y réaliser quelques photos.

Vendredi 31 octobre : alors qu’une bonne partie de l’équipe s’offre une journée de tourisme bien méritée sur l’ile de Rolas, cinq irréductibles se dirigent pour la 4ème fois vers la cascade d’Angolares, croisant les doigts pour que les deux heures de route suivies des deux heures de marche ne soient pas une nouvelle fois faites en vain ! Le soleil nous accompagnera toute la journée ! Nous nous offrons le luxe de poursuivre par le bas de la rivière, en contournant la partie explorée il y a quelques jours. Une petite dizaine de cascades descendues et nous voici devant la porte de notre 4×4.

Samedi 1er novembre : préparation des paquetages pour un retour vers nos foyers, notre vol décollant vers 22 heures. Arrivée le dimanche 2 novembre à Francfort, puis cinq heures de route nous permettent d’être chez nous aux alentours de 21 heures.

15 descentes réalisées

En résumé, ce sont quinze descentes que nous avons pu réaliser, deux guides devenus autonomes si ce n’est dans l’équipement, dans leur descentes et progression sur corde, et surtout, un formidable tissu local qui nous permettra très certainement de revenir mieux préparés, pour une expédition plus ambitieuse !
Nous avons pu constater les difficultés liées à l’absence de carte fiable, où nombre de cours d’eau ne sont pas représentés, où ceux représentés ne sont pas forcément aux bons endroits, où les sentiers sont absents…
Les pistes peuvent être en très mauvais état, parfois on peut les descendre mais pas les remonter !!


Nous avons cartographié, via une application GPS, les itinéraires empruntés, en voiture ou à pied, ainsi que les cours d’eau.
En plus des sponsors et parrainages cités plus haut, l’équipe tient particulièrement à remercier tous nos contributeurs via la plateforme participative, Claude Roux, Myriam Virot, Nicole Bertin, Jean-Pierre Richard, Eric et Elisabeth Drieux, Lydie Drieux, Maëlle Hestin, Marina
Mannarelli, Katia Schutz, Régine Maier, Michel Spenle, Hélène Jakubowski, Hélène Biegel, Nadjib Belaribi, Ambroise-Marc Poudevigne, Françoise Mazard, Audrey Antoine , Lynda Vamparys, Patricia Burget, EZstelle Kieffer, Adélaïde Vendrame, Lionel Montagne, Valérie
Bollecker, Léa Rigard, Xavier Zimmermann, Thomas Janski, Auriane Mentele, Elodie Pierre, Evelyne Boulbes, Mathieu Belon, Charlotte Comparon, Nathalie Melee, Johanne Belon.
Ainsi que les entreprises de « Montagne Passion Itinérance » et « Aventure et Canyon » qui ont mis à disposition de l’expédition un important lot de matériel.

Expédition spéléologique au Botswana : une nouvelle grotte fossilifère explorée

L’expédition Hominins in Botswana : Karst research project s’est déroulé du 30 septembre au 21 octobre 2025. L’objectif premier de la mission est la recherche d’hominines anciens dans les karsts du Botswana. Une telle découverte montrerait que d’autres fragments du Berceau de l’humanité (origine du genre Homo) existent en Afrique et validerait l‘idée d’une origine panafricaine de notre genre. L’une des principales activités cette fois-ci était d’extraire la brèche décalcifiée de Bone cave afin de faire sécher le sédiment au soleil et permettre un tamisage plus facile et plus rapide.

Le deuxième objectif consistait à continuer les visites des cavités de Koanaka hills à la recherche de nouveaux gisement fossilifères et, en parallèle, de mieux comprendre la karstogenèse de ces massifs très peu connus.

Le troisième objectif a permis de sécuriser l’entrée de Bone caves, des blocs rocheux de grandes tailles menaçant de rouler sur une trémie instable, mettant en péril la poursuite de la mission.

Bastien à l’étayage de Bones cave revient avec des troncs d’acacia.

Cette mission a été très engagée physiquement avec des moyens humains importants mais insuffisants (19 personnes au total) et des véhicules défaillants.

Les membres de l’équipe :

Laurent Bruxelles : directeur de recherche au CNRS UMR 5608, géomorphologie et géoarchéologie TRACES – directeur du Centre International de Recherche SHARE CNRS-Wits -professeur honoraire de l’université du Wittwatersand à Johannesburg – spéléologue fédéré à la FFS

Gregory Dandurand : géoarchéologue et karstologue à l’INRAP Nouvelle Aquitaine et outre-mer – UMR 5608 TRACES – spéléologue fédéré à la FFS

Philippe Auriol : médecin spécialiste en milieu isolé, spéléologue fédéré à la FFS

Jean-Baptiste Fourvel : chercheur en paléontologie et taphonomie UMR 5608 TRACES à ToulouseBastien Chadelle : doctorant en géomorphologie UMR 5608 TRACES, spéléologue fédéré à la FFS

One Clays Tshukudu : paléontologue, spécialiste de la micro faune UMR 5608 TRACES à Toulouse – Doctorante à l’université Toulouse Jean Jaurès

Pierre Linchamps : paléontologue spécialiste de la microfaune, post-doctorant à l’université du Wittwatersand à Johannesburg – muséum national d’histoire naturelle France – Histoire naturelle de l’homme préhistorique en Afrique du Sud

Francis Duranthon : paléontologue spécialiste des mammifères fossiles et néogènes, CAGT, past-directeur des muséums de Toulouse métropole et directeur des musées de la ville de Toulouse.

Véronique Olivier : spéléologue fédérée à la FFS

Avec nous, l’équipe Botswanaise du musée de Gaborone : Oaitse Ledimo, Milton Tapela, Foster Motshola, Tsoholo Mopoto Et des volontaires du village de Xaï Xaï, trois femmes et trois hommes : Kandu Komutjiua, Neo Xixae, Thapelo Xixae (la maman de Neo), Philip Xaashee Xixae, Uritjiua Marenga, Tshao Xixae.

L’équipe est au complet et Philippe Auriol tient l’appareil photo. Photo PAU

Résultats

Pour permettre la réussite de la mission, les spéléologues ont mis en œuvre des techniques spécifiques comme l’installation de deux tyroliennes pour acheminer les sédiments du haut vers le bas de la colline, et l’utilisation d’éclateurs de roche pour fragmenter des blocs dangereux lors de la sécurisation de Bone cave.

La Tyrolienne 1 en action avec Francis à l’entrée de Bones cave. Photo VOL

Les extractions de deux brèches, jaune ou rouge, prélevées à des endroits différents de Bone cave ont permis de traiter (de tamiser et de conditionner pour l’étude) entre 8 à 10 tonnes de sédiments, révélant plusieurs milliers d’ossements dont des espèces jamais décrites à ce jour. Nous avons acheminé ainsi, grâce à une chaîne humaine, 608 seaux de l’intérieur de la colline (– 40 m) jusqu’à l’entrée de la cavité pour les redescendre grâce à deux tyroliennes, au pied de la colline (2 x 45 m) avant de les vider sur des bâches.

On peut dire que nous avons déplacé un morceau de la montagne. Les sédiments ont été entassés en 4 jours et leur tamisage effectué en 2,5 jours.

La visite de Fossil’s cave, une cavité découverte en 2016 par Oaitse Ledimo et une équipe de forage à la recherche de kimberlite (le minerai qui contient du diamant) a permis de remarquer la présence d’une brèche rose très prometteuse qui comporte de nombreux ossements dont une forte proportion d’oiseaux. Certains sont inféodés aux milieux lacustres. Un fragment de molaire, potentiellement d’hippopotame, est en cours d’identification.

Sortie de Fossil Cave. L’amarrage est la boule de remorquage du 4×4 au-dessus d’un tube de forage de 43 m. Ledimo, Véro ; Laurent, Philippe et Greg. Photo Oatse Ledimo

La mission a connu divers aléas avec un docteur malade plusieurs jours, des véhicules victimes d’avaries (suspension cassée, allumage défectueux, train arrière cassé), une luxation d’épaule réduite par le doc malade qu’on a tiré du lit, des serpents gitant souvent dans les cavités qu’il fallait attraper et éloigner pour travailler, une crise de panique d’un paléontologue au milieu d’un tube de forage de 43 m (et 70 cm de diamètre)… et un chaos organisationnel le dernier jour, qui a conduit à l’abandon fortuit de 2 membres de l’équipe en pleine brousse. Heureusement tout s’est toujours bien terminé.

Philippe, médecin,  est intervenu à diverses reprises sur la mission.

Quand c’était possible, Laurent attrapait les serpents pour les isoler dans une bouteille le temps de la fouille puis ils étaient relachés en surface.

Les pièges photographiques disposés dans Gcwihaba cave ont permis de constater que les deux léopards qui vivent dans la grotte (lire page 72 rapport BTW 2023) se sont accouplés.

Un pigeon bagué que nous avons appelé Joséphine s’est invité sur notre camp avancé le temps de notre séjour, prenant un 4×4 comme pigeonnier. Elle nous a tenue compagnie durant 15 jours, nous attendant quand nous rentrions au camp de base.

Nous avons baptisé ce pigeon de basse cour Joséphine . Elle a pris une voiture pour pigeonnier au coeur du Kalahari et ne nous a plus quitté. Nous attendant quand nous rentrions au camp de base.

Perspectives

Tous les indices convergent vers un environnement lacustre et la présence d’un paléo lac aux alentours de Koanaka hills et Gcwihaba hills il y a environ deux millions d’années. Ce paléo-environnement serait un écrin propice à la présence d’hominines.

La mission Hominins in Botswana continuera en mars 2026 afin de poursuivre les travaux en cours et consacrer du temps et des résultats à une équipe de télévision. Des études paléoenvironnementales et paléoclimatiques seront menée conjointement avec une équipe indienne et coréenne. Une collaboration avec les géologues travaillant dans le Delta de l’Okavango (lire page 58 rapport BTW 2024) commencera à cette occasion. Il s’agira de lier l’histoire du Delta avec l’histoire des grottes au travers du carottage de guano de chauve-souris. L’étude de cette carotte sera menée conjointement par une équipe de l’université du Witwatersrand (Johannesburg), un étudiant sud-africain et des étudiants de l’Université du Botswana.

Expédition spéléologique Picos Padiarna en Espagne : record de profondeur à -839 m

Depuis 1971, l’ASC établit un camp spéléo dans les Picos de Europa, au début uniquement entre Français, et depuis plusieurs années en collaboration avec le club CE Alfa de Madrid et d’autres spéléologues espagnols.

HS4 : Camille dans la galerie qui débouche sur la grande salle – 760 m. Photo O. Sausse

Après notre record de profondeur de 2024, l’objectif évident est la suite de l’exploration du HS4, qui va centraliser tous nos efforts. 

Mais le LL22, découvert en 2023, n’a pas dit son dernier mot !

Cette fois-ci nous étions 10 Français licenciés, avec 3 spéléos espagnols. À la suite, Éric a participé aux activités de l’équipe de Madrid, du 2 au 10 août. 

HS4 : un bivouac à -395 m dans la salle du menhir

Explorée depuis 2011, à 2350 m d’altitude, cette cavité est une des plus hautes de notre zone, dans un cirque garni par un névé. Pour y pénétrer, il fallait trouver un passage dans la rimaye, entre glace et paroi rocheuse, ce qui n’est plus d’aucune difficulté depuis ces trois dernières années, la glace ayant fondu comme jamais auparavant.
Le P130, nommé « puits débouché » reçoit toutes les pierrailles qui ne sont plus fixées par la glace, et nécessite un rééquipement plus sécurisant, ce qui est assez problématique.

Grande salle du HS4. Découverte majeure de 2025, -800 m. Photo O. Sausse


Une succession de puits avait permis de descendre à -300m en 2022, puis d’atteindre la profondeur de -425m en 2023, à la tête d’un puits énorme, évalué à 300m au lancer de caillou.
Mais vu les deux heures de portage depuis le campement jusqu’à l’entrée du HS4, et les efforts importants pour progresser dans cette cavité entre 1° et 2°C, l’installation d’un bivouac est indispensable. La salle du Menhir, à -395m, accueille un barnum et des hamacs depuis l’an dernier.
En 2024, le P395 qui suit a abouti à un arrêt sur trémie, à -839m. C’est le record de profondeur pour notre zone de prospection. En remontant, l’équipe avait repéré une grosse lucarne vers -620m avec un fort courant d’air ; c’était un objectif possible pour cette année.
La première équipe de pointe refait la topographie du fond du puits car un doute subsiste : le P375 est en réalité un P395 !
Cette fois-ci pas de brouillard dans le fond du grand puits et une grosse lucarne est repérée lors de la topo à 80 mètres du fond. Une galerie est découverte, qui débouche sur une énorme salle de 220m sur 80m ; haute par endroits de plus de 100m.
Sur un des côtés de la salle, une conduite forcée remplie d’aragonite est découverte, un fort courant d’air aspirant est présent.

HS4 : Camille dans la galerie Aragonite, topo -780 m. Photo O. Sausse.

On débouche sur une zone d’effondrement, et entre les blocs on recroise un affluent qui débouche sur un P20 et P10 dans un actif. De là, part un méandre type vauclusien sans courant d’air et le terminus est un P10 qui semble finir sur pincement.
Pour le moment, il n’y a pas de suite évidente, mais un gros travail de topographie a été nécessaire. Il reste des recherches en suspens pour 2026 y compris la lucarne qui nous attend sagement.

LL22 : arrêt sur un puits énorme

Cette zone, juste en dessous du campement, a été parcourue de nombreuses fois depuis des dizaines d’années. Et pourtant, Isadora et Jocelyn, nouveaux venus, ont découvert une nouvelle entrée en 2023, nommée LL22. Là, pas de grand puits, mais une succession de passages étroits qui, cèdent un à un sous leur acharnement, jusqu’à atteindre -124m de profondeur.
La suite est là devant nous, arrêt sur puits avec un énorme courant d’air.
Un gros travail d’aménagement a été fait les derniers jours sur la zone d’entrée.

HS4 : fond du P395. Photo O. Sausse
  • TA60 Découverte d’une autre entrée, explorée jusqu’à -43m, arrêt sur méandre étroit.

Bilan exceptionnel. Le 2N, avec 680m de profondeur, est battu, et le 5P (-836m) est égalé. Quelle récompense inespérée est la découverte de cette énorme salle, après 14 ans d’efforts dans le HS4 !
Et cette réussite est le résultat d’une bonne coordination entre tous, Français et Espagnols.

Expédition spéléologique en Ouzbékistan : une collaboration archéo-spéléo

Les objectifs de cette première partie d’expédition qui s’est déroulée du 6 au 24 juillet est un premier contact avec le massif du Koytendag côté Ouzbékistan après les expés 2023 et 2024 côté Turkménistan. Celle-ci se déroule en collaboration avec la Mission Archéologique Française en Asie Centrale (MAFAC) qui fouille depuis l’année dernière un site présentant plusieurs occupations néandertaliennes.

Prospection et fouilles archéologiques

Il s’agit en premier lieu de découvrir la grotte de Khatak , actuellement fouillée par l’équipe archéologique de Frédérique Brunet directrice de recherche au CNRS, d’explorer le district de la réserve naturelle où la mission détient un droit d’exploration et de fouilles, de déterminer le potentiel du massif en grottes, et de documenter ces dernières.

  Les trois membres de l’expédition (Philippe Auriol, Lionel Barriquand et Véronique Olivier) se retrouvent le 5 juillet à l’aéroport d’Istanbul. Nous arrivons en tout début de matinée à Samarcande. Les trois premiers jours sont consacrés à la découverte de cette ville mais aussi de l’archéologie de l’Ouzbékistan et des civilisations qui se sont succédées en Asie centrale.

Place du registan à Samarcande. Photo VOL

Le 9 juillet nous prenons la route en taxi pour Khatak au sud-est du pays (150 dollars pour 3 personnes avec les bagages et 450 km à parcourir). Après 6 h de voyage, nous arrivons sur place et faisons connaissance avec l’équipe des archéologues français et ouzbèkes. Nous nous installons chez l’habitant, une ferme vivrière. Le 10 juillet, nous rentrons pour la première fois dans la réserve naturelle où se trouve la grotte de Khatak et où nous allons prospecter. En Ouzbékistan, une réserve naturelle est strictement fermée, y compris au pastoralisme et nous sommes en permanence accompagnés. Nous faisons connaissance avec la cavité qui semble, à première vue, avoir un développement limité. Nous procédons aux premières observations et envisageons nos actions pour les jours suivants. Dès le lendemain, nous prospectons dans le massif (3 vallées différentes). Chaque jour, nous parcourons entre 12 et 20 km en essayant de repérer des cavités qui sont, si possible, immédiatement parcourues et documentées.

« Grotte des deux oisillons », Ikkita qush karmar avec un développement de 21 m. Photo VOL

Des grottes perchées et de petites dimensions

Malheureusement, la plupart correspondent à des baumes sans réel développement. Finalement, Véronique et Philippe topographieront 15 cavités et géo-référenceront 19 points remarquables. Toutes les cavités ont été documentées par Lionel (photographies mais également toutes les informations géomorphologiques, occupations animales, traces, spéléothèmes…). Nos travaux ont répondu aux attentes de l’équipe de la MAFAC avec en particulier, la découverte de vestiges remarquables, qui feront l’objet d’une étude dans le futur.

À partir du 13 juillet, un caméraman est présent pour constituer les images d’un documentaire de 90 min en cours de signature pour la chaine TV Arte sur la coopération spéléologues archéologues. Les prises d’images sont multiples avec à la fois les aspects sportifs et scientifiques de la spéléologie.

Interview de Lionel Barriquand dans la grotte d’Adjina Karmar. Photo VOL

L’exploration du massif et de ses 3 vallées a permis de comprendre la formation du karst en cet endroit.  Si le karst y semble très développé, il ne permet que rarement la formation de grotte pénétrable. La zone en réserve naturelle ne nous a pas permis d’obtenir des informations auprès des Ouzbèkes sur la présence de grottes, puisqu’il n’y a pas de pastoralisme. Adjina Karmar (la grotte aux esprits) est néanmoins connue et remarquable. Nous la topographions avec un développement de 60 m et une profondeur de 15 m. Il s’agit d’un piège à froid avec une température de 14 °C à sa station terminale. La température extérieure frisant en juillet les 47 °C. L’entrée de la cavité à 6 m du sol ne pose pas de problème d’accès grâce à un éboulis.

Ouch’ G’orlar et deux de ses trois baumes. La réserve naturelle nous fait face. Photo VOL

Des cavités remarquables, mais vite impénétrables

Dans la vallée voisine, en limite de la réserve nous explorons une cavité comportant 3 baumes que nous traduisons en ouzbèke en Ouch’ g’orlar qui développe 187 m de réseau labyrinthique en pente ascendante de 8 m. L’accès à la cavité nécessite une marche d’approche raide de 35 minutes en serpentant dans les strates du massif. Elle est également topographiée.

Muzqaymoq Karmar et ses coups de cuillères à glace. Développement 6 m. Photo VOL

La grotte de Khatak est également topographiée pour les besoins de la mission archéologique. Elle comporte un nombre impressionnant de matériel lithique. Il s’agit d’un site ayant connu plusieurs habitats successifs de néandertaliens. Le sol rejoignant le plafond, nous n’avons pas pu l’explorer plus avant sans désober, ce que Frédérique ne souhaitait pas, pour ne pas effacer les premiers niveaux de vestiges anthropiques et paléontologiques. Son développement actuel est de 25 m avec un porche d’entrée de 13 m par 18 m de hauteur.

L’expédition Surkhan Daria se poursuivra avec une équipe renforcée afin de prospecter trois nouvelles zones, plus au sud du massif du Koytentag aux alentours de Vandob.

Expédition spéléologique au Costa Rica : des grottes et des chauves-souris zig-zag

Quand on entend parler du Costa Rica on pense aux volcans plutôt qu’à la spéléo.

Pourtant, bien que de taille modeste, le Costa Rica regorgent de petits karsts variés – dont nous avons pu parcourir une partie des deux plus grands grâce au club spéléo Anthros, bien actif sur son territoire.

De retour d’un mois passé au pays des paresseux, nous voilà riche d’une expérience spéléologique faunistiquement surprenante. J’aime notre discipline qui, par notre objectif spéléologique, sait nous faire vivre des moments inattendus.

Equipe internationale pour explorer la perte de l’Higuera, près du volcan Arenal.

Les expés sont aussi rares que les karsts du pays. Bernard Abdilla est le correspondant de la CREI pour le Costa Rica et nous recommande quelques contacts sur place.

Lors de notre séjour nous avons la chance de faire la rencontre avec la spéléologue et biologiste Bulgare Stanimira Deleva qui nous a naturellement proposé de l’accompagner pour faire ses suivis de faune troglobie.

Le club speleo Anthros nous accompagne dans certains réseaux. Il n’y a pas beaucoup de verticale et nous n’avions pas beaucoupde matériel pour descendre.

Toute nos aventures sont a retrouver ici :

https://www.exploraddiction.com/single-post/sp%C3%A9l%C3%A9ologie-au-costa-rica-des-grottes-aux-chauves-souris-tropicales

Anaïs Boulay

Expédition spéléologique au Laos : 8900 mètres de topographie

L’expédition, organisée par l’association Explo-Laos et parrainée par la Fédération Française de Spéléologie, s’est déroulée du 27 février au 17 mars 2025 dans le secteur de Phou Pha Marn, à l’ouest du massif karstique de la province de Khammouane, suite à une reconnaissance effectuée en 2024 et en collaboration avec l’agence Green Discovery concessionnaire de la zone explorée. Plusieurs belles cavités existent sur ce secteur, partiellement visitées par les guides locaux notamment dans le but de développer le tourisme sportif à partir du site de Rock Viewpoint. Notre objectif était d’en poursuivre l’exploration et lever les topographies.

Tham Pong avec son puits d’entrée de 90 m

  • Tham Nanglong est une traversée avec belle rivière souterraine qui a livré 2945 m de galeries avec découverte de nombreux passages nouveaux
  • Tham Pong, magnifique gouffre avec P 90 dès l’entrée, a été topographié sur 525 m pour – 185 de profondeur
  • Tham Lom est formé d’une série de puits se terminant à -104 m sur un méandre ventilé mais impénétrable
  • Tham Kathoung, que nous avions explorée en 2013, a été prolongée de 922 m portant son développement à 4312 m
  • Tham Kouan Tung, particulièrement difficile d’accès au milieu des tsingys, a permis d’explorer 2942 m de conduits avec rivière souterraine creusée en partie sur une faille. Malgré de nombreuses escalades, aucune autre sortie n’a été pour l’instant découverte malgré le net courant d’air qui parcourt la cavité.
  • Tham Tonmay Khouay, large ouverture repérée en milieu de falaise, est une large grotte fossile topographiée sur 866 m. 
  • Tham Nam Ock est une large résurgence active en période de mousson dont le développement est de 555 m

L’expédition ramène donc 8900 m de topographie.

Par ailleurs, des prélèvements biospéléologiques ont été effectués dans chaque cavité.

Nous remercions notre ami Terry Bolger, MM Thongkhoon Sayalath et M. Olaxai.Saisouphanh de Green Discovery, ainsi que nos guides et chauffeurs.

Participants à K25

Claude Antoine-Régnier (Spéléo Club du Cern- SC Cern), Alexis Augustin (Leize Mendi), Lucie Esclavard (Groupe spéléologique, scientifique et sportif- G3S), Éric Kammenthaler (Leize Mendi), Bernard Lips (Groupe Spéléo Vulcain), Josiane Lips (GS Vulcain), Pascal Orchamps (Spéléo-Groupe de la Tronche-FL), Jean-Michel Ostermann (G3S), Virginie Pouyade (SC Cern), Serge Planès (Leize Mendi).

Expédition spéléologique aux Philippines : le gouffre le plus profond du pays !

Lorsque l’équipe arrive le 15 mars, Gilles vient de terminer une semaine de repérage sur la zone à explorer dans le karst de Samar en compagnie de Joni Bonifacio, spéléologue local qui nous accompagne depuis 2005 dans chacune de nos aventures. Ils ont découvert plusieurs cavités.

Nos neuf premiers jours d’exploration ont été fructueux malgré une météo pourrie.

« Nous avons dû acheter de la corde sur place »

Nous avons visité quelques petites grottes mais aussi deux cavités majeures de la zone, aux extrêmes Amont (Mama Cave) et Aval ( Cahangyapan Cave) de la dépression. Nous sommes arrêtés par des puits dans les deux cavités. Nous avons déjà utilisé toutes nos cordes. Pour continuer, nous avons dû trouver et acheter sur place (à Tacloban = 8 heures de van aller-retour) 200 mètres de corde supplémentaires.

14 jours plus tard, c’est déjà la fin du camp.

Le karsts de Samar a-t-il tenu ses promesses ?Avons-nous réussi à explorer Mama cave ?Avons-nous dépassé la profondeur de 285 m ? 

Oui ! Oui ! Et oui !

-358 m à Mama Cave

L’exploration de Mama Cave nous a amené jusqu’à la profondeur de -358 m, explosant ainsi le précédent record de profondeur des Philippines(-285m sur l’île de Palawan). Nous avons dû utiliser jusqu’à notre dernier mètre de corde, notre dernier bout de dyneema, notre dernier mousquetons et notre dernier ampère de puissance dans la batterie du perforateur. En deux séances, totalisant 22 heures d’exploration (sans compter le desequipement), nous avons équipé hors crue de nombreux puits pour éviter les cascades omniprésentes.Dans une seconde cavité, nous sommes descendus jusqu’à -131m. Toujours dans une cavité de type alpin avec beaucoup d’eau qui complique l’équipement. C’est encore plus gros que Mama Cave. Arrêt sur puits ! 

Le secteur est très prometteur. Les entrées de plusieurs autre cavités similaires ont été entrevues également sans pouvoir être explorées.

Un secteur très prometteur

Ça veut dire que pendant deux ans, on va rêver de Matuguinao, sa forêt et ses gouffres magnifiques.

P… ! Deux ans ! Ça va être long… rendez-vous en 2027.

Expédition spéléologique internationale « Nord-Pérou » août-octobre 2024

Comme chaque année depuis 2003, une nouvelle expédition est organisée par le tandem franco-péruvien GSBM-ECA (Groupe Spéléo Bagnols Marcoule / Espeleo Club Andino) sur plusieurs secteurs du versant amazonien des Andes du Nord du Pérou. L’expédition 2024, qui se déroule d’août à octobre, rassemble 39 spéléologues originaires de 8 pays (Allemagne, Autriche, Equateur, France, Irlande, Pays-Bas, Pérou, Royaume-Uni).

Tragadero del Ojo Derecho de Lorenzo et le premier camp à Granada. Photo Jean-Yves Bigot

La France aligne le plus gros contingent avec 13 participants dont 11 spéléos fédérés FFS issus de 4 clubs de la région Occitanie (GSBM Bagnols-sur-Cèze : Christian Klein, Florian Richard, Jean-Denis Klein, Jean-Loup Guyot, Jean-Yves Bigot, Pierre Bevengut, Raphael Gueit, Thibaud Duchateau ; SCSP Alès : Bastien Walter ; SCVV Nîmes : Adeline Ferrandez ; SRSASR Sorèze : Julien Jeannin). Arrivé à Lima, Patrice Baby (SCHS Tarascon-sur-Ariège) a dû interrompre sa participation à l’expédition pour raison de santé.

Tragadero Olvidado à Soloco. Photo Jean-Loup Guyot

Découverte de la perte du col de l’arche

L’expédition débute le 12 août sur les hauts plateaux (3500 m d’altitude) qui dominent le village de Granada, au Nord-Est de Chachapoyas, la capitale de la région Amazonas. Cette première partie de l’expédition est pilotée par Peter Talling (UK) et rassemble tous les participants anglo-saxons, 2 français et 1 péruvien. Un premier groupe installe son camp à proximité des deux pertes de Lorenzo, découvertes en 2023 et qui sont explorées jusqu’à -265 et -275 m. Un deuxième groupe s’installe à proximité du Tragadero de la Soledad (Perte de la Solitude) découvert en 2022 et exploré sur 2200 m en 2023. Cette année, le développement passe à 4187 m (-323 m) et la perte devient la plus longue cavité du Pérou… De très nombreuses cavités de moindre importance sont explorées sur le massif. En fin de partie, deux autres français rejoignent ce deuxième groupe alors que l’équipe anglo-saxonne se retire. Cette équipe franco-péruvienne réduite découvre la perte du col de l’arche (Tragadero de Abra del Arco), avec un P170 et arrêt sur rien vers -200 m. Bilan de cette première partie de l’expédition : une soixantaine de cavités explorées, 3598 m de galeries topographiées.

Dans le Tragadero Olvidado à Soloco, une magnifique céramique de facture « chachapoya » est découverte. Photo Jean-Loup Guyot

Une céramique de facture « chachapoya »

Le gros de l’équipe franco-péruvienne se retrouve à Soloco, à l’Est de Chachapoyas, le 6 septembre alors que 3 français et 1 péruvien terminent l’explorations du massif de Granada. C’est depuis ce village de Soloco où nous sommes logés chez nos amis de la famille Rojas, que nous allons reprendre les explorations du massif situé plus au Sud, entre 2800 et 3000 m d’altitude. Les explorations débutent sur le secteur de Toclón découvert quelques années plus tôt. Dans la perte oubliée (Tragadero Olvidado) découverte et partiellement explorée en 2023 (arrêt par crue), le fond est atteint à -185 m pour un développement de 1331 m. Dans un réseau fossile proche de l’entrée, une magnifique céramique de facture « chachapoya » est découverte. A proximité, l’exploration de la perte de Toclón 5 donne accès à un beau collecteur qui rejoint à l’aval Toclón 3-4 exploré en 2002, le système de Toclón développe maintenant 2323 m. La petite équipe de Granada rejoint le groupe de Soloco, et tous ensemble, nous partons installer un camp avancé sous le porche de Santa Maria, au Sud de Soloco. La perte de Santa Maria, découverte en 2003 et partiellement reconnue en 2023 est explorée jusqu’à une grande salle terminale à -207 m pour 1244 m de développement. A proximité, la perte de Parjugsha Arriba découverte et partiellement explorée en 2005 est, elle aussi, revisitée. La nouvelle topographie annonce 836 m pour -221 m dans cette cavité qui se termine également par d’immenses salles. Bilan des explorations à Soloco : 9 cavités explorées, 4667 m de galeries topographiées.

Cueva de Valle Andino. photo Christian Klein

Formation aux techniques de base en spéléo secours

Le 30 septembre, le groupe se sépare en deux. Une équipe part s’installer à la Cueva de Palestina, dans l’Alto-Mayo (région de San Martin), en forêt tropicale humide (800 m d’altitude). Une formation aux techniques de base en spéléo secours est organisée pour les guides de la grotte et les pompiers de la ville voisine de Nueva Cajamarca. Une dizaine de cavités sont visitées et explorées à proximité (230 m topographiés). La seconde équipe part effectuer une mission de collecte d’échantillons pour l’IRD sur les rios Marañón à Borja et Huallaga à Chazuta. En cours de route, une incursion rapide dans une vallée récemment colonisée (front pionnier, 1700 m d’altitude) permet d’explorer et de topographier partiellement la grotte de Valle Andino sur 1521 m.

Expédition archéologique et spéléologique au Botswana Homini-Karst du 19 novembre au 14 décembre 2024

Prospection dans le bush

L’objectif de la mission Homini-Karst conduite par Laurent Bruxelles, est de documenter la présence d’hominines il y a plusieurs millions d’années, dans la région d’Afrique australe, afin de faire le lien entre Afrique de l’Est et l’Afrique du Sud où la quasi-totalité des vestiges ont été découverts. Il s’agit d’explorer des grottes très anciennes, des avens pièges, et de continuer particulièrement à étudier la brèche, un remplissage karstique cimenté par la calcite qui comporte des fossiles. Dans cette brèche, l’équipe de Homini-Karst recherche des fossiles de micro et macrofaune et des vestiges d’hominines. Pour mener à bien cette mission du CNRS, une équipe pluridisciplinaire de 12 chercheurs, spéléologues géoarchéologues et paléontologues est constituée, dont quatre licenciés à la FFS, (Laurent Bruxelles, Gregory Dandurand, Philippe Auriol, Véronique Olivier) a été réunie, avec la collaboration d’une équipe d’une dizaine d’agents du Musée national du Botswana.

Gcwihaba nord

La formation des grottes par fantômisation et biocorrosion est également le sujet d’étude de Laurent et Gregory, qu’ils continuent de documenter. Une attention particulière a été portée sur l’étude des paysages et l’environnement autour des cavités, avec Bastien Chadelle, doctorant de Laurent, afin de mieux comprendre le fonctionnement de l’écosystème, les échanges avec la surface.
Un congrès de deux jours dans la ville de Maun a permis de présenter les résultats préliminaires et de tisser des liens solides avec les scientifiques d’Afrique australe, notamment de Zambie, du Zimbabwe, d’Afrique du sud et du Mozambique. Le congrès s’est achevé avec la visite de l’ambassadeur de France au Botswana et sa rencontre avec la première secrétaire du ministère de l’environnement et du tourisme botswanais.

Waxhou nord et ses parois de sable

L’expédition s’est déroulée dans le nord-ouest du pays dans le désert du Kalahari, autour des collines de Gcwihaba et de Koanaka. Le séjour se déroule en 4×4 aménagés avec des tentes sur le toit, afin de garder de la mobilité entre les différentes zones d’étude, cuisine de campagne et douche solaire sont notre quotidien. Le masque FFP3 sur le visage est requis dans les cavités comportant des colonies de chauves-souris. La température est de 25 degrés sous terre jusque 28 degrés. La mission s’est déroulée après une année de sécheresse et des records de température : 46 °C, le jour le plus chaud de l’histoire du Botswana. Contrairement à l’année précédente, il n’y a pas eu de pluie.

Philippe pénètre dans Wadoum

La mission a produit dix fois plus de résultats que celle de 2023

Paléontologie : Jean-Baptiste Fourvel le paléofauniste a continué de documenter la présence des léopards dans la grotte de Gcwihaba. Apparemment il y a deux ados en plus du père et de la mère. Pierre Linchamps microfauniste et Raphaël Hanon taphomomiste ont fouillé, sur les indications de Laurent Bruxelles de la brèche fossilifère décalcifiée à Bones cave. Elle s’apparente à celle de Sterkfontein en Afrique du Sud par exemple. Sa texture meuble permet de réaliser un tri par tamisage, ce qui permet de traiter un volume beaucoup plus important de sédiments par rapport au traitement de la brèche dure à l’acide comme l’an dernier. Amel et Jacques Jaillet de l’institut des déserts et des steppes (les gentils séniors de notre équipe) ont activement participé aux opérations de tri des ossements.
Bones cave est THE cavité qui fera le succès, à terme, de la mission. Les sédiments qu’elle contient ont le bon âge (entre 2 et 3 millions d’années) et elle recèle encore une grosse quantité de sédiments fossilifères. Parmi les fossiles retrouvés dans la brèche, les paléontologues ont retrouvé des os de poissons, mais aussi d’un théropithèque, un primate disparu il y a 2 millions d’années.

Découverte du babouin momifié
Microfaune prise dans la brèche

Spéléologie : Laurent Bruxelles, Véronique Olivier et Philippe Auriol ont visité plusieurs cavités pour étayer le mode de formation des grottes, des relevés stratigraphiques ont été dressés. La visite de Waxhou Sud a permis la découverte d’un babouin momifié en bas d’un aven piège, à – 50 m au pied d’un talus de sédiments. Il a été scanné dans sa position initiale, la même que Little foot, l’australopithèque découvert en 1997 à Sterkfontein. Le babouin a été sorti de la cavité en duo par temps bien sec pour qu’il n’y ait pas de reprise de pourriture à la sortie du gouffre. Philippe a levé le corps et Véro a assuré son transport. La momie a été présentée sur le campus éphémère de la mission avant de partir pour être exposé au musée d’histoire naturelle de Gaborone et ainsi documenter l’intérêt des avens pièges dans la recherche des fossiles.

Dans Wadoum les racines de figuier brise roche transforment la cavité en jungle pétrifié

Communauté scientifique et coopération : Les 20 jours d’expédition sur le terrain se sont déroulés avec le soutien de 10 fouilleurs, agents du musée de Gaborone. Un congrès de restitution des travaux en cours en Afrique australe a permis la présentation des premiers résultats et la structuration d’un réseau scientifique sur les paléosciences à l’échelle de l’Afrique australe. L’occasion de faire connaissance avec des chercheurs qui pourront apporter leur regard, par exemple sur la recherche d’objets lithiques.

Regard sur les léopards dans la caméra trap

Perspectives 2025

La prochaine expédition en 2025 permettra de continuer la fouille de Bones caves sur les niveaux de brèche 2 et 3, pour sortir plus de fossiles, continuer la fouille de surface, et trouver des restes d’hominine.
Une conférence de restitution sera organisée au village de Xai Xai afin d’informer la population locale, de partager les découvertes et de poursuivre la collaboration (il y a 2 emplois de fouilleurs avec des villageois).
L’équipe d’Homini-karst apportera ses connaissances pour la constitution du dossier d’inscription de Gcwihaba cave au patrimoine mondial de l’UNESCO, dont la candidature est acceptée. Il s’agira du premier site où le guano et la biocorrosion auront une valeur mondiale, car ils constituent la valeur originale et unique de ces cavités parmi tous les autres sites inscrits au patrimoine mondial.

Köýtendag 2024 – seconde expédition spéléologique au Turkménistan

Agrément FFS 1 / 2024

Pays : Turkménistan

Région : Lébap, massif de Köýtendag

Du 8 avril au 2 mai 2024

Nombre de participants : 17 membres fédérés

Clubs : Individuels (Hérault), Club Spéléo Vulcain (Rhône), Alpina Millau (Aveyron), Gruissan Prospection Spéléologie (Aude), Clan des Tritons (Rhône), CRESPE (Alpes-Maritimes), Spéléo club Argilon (Saône-et-Loire), Società Speleologica Italiana (Italie), Slovak Speleological Society – Speleoklub Badizér, Ardovo (Slovaquie), SGCAF, Spéléos Grenoblois du Club Alpin Français (Isère), FJS, Furets Jaunes de Seyssins (Isère).

Responsable : Jean-Pierre Gruat.

Après une expédition de reconnaissance du 6 au 22 mai 2023, par une équipe de 10 spéléos, en 2024 ce sont 17 spéléos issus de plusieurs clubs français, italien et slovaque en partance pour le massif du Köýtendag.

Pour visualiser le compte-rendu 2023 et les documents annexes (cliquer sur cette phrase)

Pour 2024 ce sera une équipe pluridisciplinaire plus importante pour cette deuxième expédition au Köytendag, du 8 avril au 2 mai 2024 (il y aura quelques défections de dernière minute, notamment notre vidéaste Daniel Penez). Dix-sept personnes participent : Philippe Audra, karstologue, Université Côte d’Azur, Jo De Waele et Lionel Barriquand, spécialisés en géologie et karstologie, Josiane Lips et Jozef Grego, spécialisés en biospéléologie, Jean-Paul Héreil, Bernard Lips, Xavier Robert et Alexandre Pont pour la topographie, Gaël Cazes pour la topographie 3D par photogrammétrie, Jean-Marie Briffon, Claire Falgayrac, Jean-Philippe Grandcolas, Jean-Pierre Gruat et Freddo Poggia pour l’exploration et la prospection, Annie Guiraud et Philippe Crochet en charge de la couverture photographique.

Les objectifs sont multiples : photographie, topographie de l’existant, karstologie, biospéléologie, prélèvements et documentation, prospection et explorations nouvelles.

– 12 cavités sont visitées à plusieurs reprises et topographiées : certains jours, 5 équipes de 2 à 3 personnes ont réalisé de la topographie (8571 stations topographiques, 18,7 km de réseau topographié, profondeur maximum atteinte – 157 m).

Les principales cavités reprises et topographiées partiellement ou complètement :

Geophyzicheskaya

Tush-Yurruck

Kaptharana

Promeszutochnaya 

Hushm-Oyeek

Kutuzov cave ou grotte du Lac

Verticalnaya

Cupp-Coutunn

Malgré des « contraintes administratives » importantes, la zone se trouve sur une zone militaire, proche de la frontière ouzbèke, un temps journalier sur le terrain limité à 8 h maximum, il peut être envisagé de programmer une 3ème expédition en 2025 ou 2026, en envisageant d’explorer une autre zone en dehors de la zone militaire, toutefois la proximité de la frontière ne nous libère pas de toutes les contraintes. Cette année nous avons bénéficié de visas gratuits (119 dollars par personne en 2023), par contre comme en 2023, nous n’avons pas échappé au test PCR (29 dollars par personne en 2024) !

– Le 1er jour de l’arrivée à Ashgabat, avant de prendre le train pour Kerki, Philippe Audra, Lionel Barriquand, Gaël Cazes et Jean-Pierre Gruat, sont reçus par Mme Shirin Karryyeva, Mme Tatjana Rosen, M. Jumamyrat Saparmuradov et d’autres personnes. Ces personnes travaillent dans le cadre du projet CEPF/CLLC du Turkménistan (CEPF : Critical Ecosystem Partnership Fund et CLLC : Center for Large Landscape Conservation).

Ils souhaitaient échanger avec nous sur les objectifs de notre expédition, ils manquent d’informations sur la géologie et le karst du Koytendag et nous pouvons leur apporter certains éléments en ce domaine.

En parallèle, une autre partie de notre équipe (Jozef Grego, Josiane Lips et Jo De Waele) est reçue au Ministère de l’Environnement pour évoquer les autorisations nécessaires de prélèvement et d’exportation en biospéléologie (invertébrés) et en géologie (petits échantillons de pierre).

– Arrivée le 10 avril sur place au Koytendag, malgré quelques petits problèmes administratifs le 1er jour pour accéder aux grottes situées en zone militaire, nous avons pu réaliser les objectifs scientifiques, topographiques et photographiques durant l’ensemble du séjour. Seule, la prospection du massif n’a pas donné les résultats escomptés, puisqu’aucune nouvelle cavité majeure n’a été découverte, malgré l’exploration de porches difficiles d’accès dans certains canyons. Le massif est vaste et la prospection est difficile avec les nombreux et profonds canyons qui le découpent.

– Les scientifiques en karstologie, en géologie, biocorrosion ont pris des mesures de températures d’air et d’eau, des échantillons d’eau des sources et des lacs, relevé les failles et fractures, les emplacements de différents minéraux et concrétionnements.

Ils vont analyser tous ces éléments en laboratoire pour expliquer la formation de ces cavités, leur évolution et la présence des différents minéraux. Philippe Audra a aussi déposé un pluviomètre performant à basse altitude (maison de la réserve naturelle) et un autre à plus haute altitude (fond de la vallée). Tous les mois, M. Shaniyaz Mengliev, Directeur scientifique de la réserve du Koytendag relèvera l’eau, et plus tard, les isotopes seront étudiés.

– Une grande partie de la grotte de Geophysicalskaya a été relevée par photogrammétrie en 3D en collectant plus de 50 000 images superposées.

– L’équipe photographique s’est concentrée principalement sur deux cavités, Geophysicheskaya et Hushm-Oyeek. La présence de gypse en quantité en fait l’intérêt principal, Hushm-Oyeek , connue depuis plus longtemps, a été fortement endommagée alors que Geophysicheskaya, découverte plus tard, est relativement bien préservée. Cette dernière a été couverte photographiquement, elle est exceptionnelle : profusion de gypse sous toutes ses formes (chandeliers, stalagmites géantes creuses, aiguilles, fleurs, crosses, croûtes…), aragonite, vastes galeries aux plafonds rouges, immenses draperies colorées, un véritable festival pour les yeux tout autant qu’un concentré de phénomènes géologiques.

– Les scientifiques en biospéléologie ont fait beaucoup de prélèvements d’invertébrés dans les grottes et les sources. C’est un beau complément aux découvertes de l’an passé publiées dans le rapport 2023. Le tout est en cours de classification, d’analyse …

Des espèces nouvelles semblent avoir été relevées. Les scientifiques en biospéléologie – qui sont rentrés au bout de 15 jours passés au Turkménistan – ont délivré les premières informations sur leur découverte :

« Pour l’instant nous avons environ 3-6 candidats pour de nouvelles espèces de mollusques souterrains et de source. Les mollusques de surface nous ont également réservé quelques surprises, car dans deux cas, la famille de mollusques la plus proche se trouve à environ 500 km à l’ouest du Köytendag, et il est probable que ces données éloignées représentent également de nouvelles espèces. »

Jozef Grego rédigera prochainement un rapport préliminaire avec des photos.

Toutes ces études demandent beaucoup de temps et les éléments définitifs seront dans le rapport final de l’expédition.

– La prospection : des équipes légères (3 ou 4 personnes) ont parcouru certains secteurs du massif à la recherche de nouvelles cavités, sans résultat. De même, 2 équipes ont descendu des falaises pour atteindre des porches repérés en 2023 dans les canyons, ces porches se sont révélés être des baumes sans suite. Quelques escalades ont été tentées, sans résultat.

Toutefois, les hauts plateaux d’altitude à plus de 2000 mètres n’ont pas été parcourus, l’approche de la frontière ouzbèke nous étant interdite par les autorités turkmènes et un bivouac en altitude aurait été nécessaire. Cette zone reste à étudier dans les prochaines expéditions.

* Geophysicalskaya est absolument à protéger et à préserver de toute dégradation (et d’autres cavités du secteur), elle a des particularités rares et une beauté exceptionnelle avec des formations de gypse unique en splendeur et densité.

* Pour réaliser de nouvelles expéditions, il est nécessaire de trouver des financements, pour réaliser un travail scientifique, les études en laboratoire des résultats exigent aussi un apport financier important.

* Le nombre de photos ramenées de cette expédition 2024 permet de réaliser une publication sur les grottes du Köytendag, reste là aussi à trouver un financement.

Pour consulter la sélection des photos de Philippe Crochet (cliquer sur cette phrase)

Une équipe pluridisciplinaire pour l’expédition 2024 :

AUDRA Philippe, Docteur en géographie physique, karstologue, directeur du Département Hydroinformatique et ingénierie de l’eau et du Master hydroprotech, Université Côte d’Azur. CRESPE (Alpes-Maritimes).

BARRIQUAND Lionel, chimiste, doctorant Université Savoie-Mont-Blanc, Laboratoire EDYTEM de Dynamique des Environnements et Territoires de Montagne. Spéléo club Argilon (Saône-et-Loire).

BRIFFON Jean-Marie, spéléologue, médecin. Gruissan Prospection Spéléologie (Aude).

CAZES Gaël, Expert chez CENOTE Sarl, doctorant Université de Montpellier, Géosciences Montpellier. Individuel (Hérault).

CROCHET Philippe, hydrogéologue et photographe spéléologue. Individuel (Hérault).

DE WAELE Jo, Doctorat en prospection minière, Professeur en géographie physique et géomorphologie Université de Bologne. Società Speleologica Italiana (Italie).

FALGAYRAC Claire, spéléologue. Gruissan Prospection Spéléologie (Aude).

GRANDCOLAS Jean-Philippe, spéléologue. Clan des Tritons (Rhône).

GREGO Jozef, Doctorat diversité mondiale des gastéropodes stygobiotioc, diversité mondiale des Clausilidiae, chercheur indépendant, SubBio Lab Ljubljana University, Slovak Speleological Society – Speleoklub Badizér, Ardovo (Slovaquie).

GRUAT Jean-Pierre, responsable d’expédition, spéléologue. Alpina Millau (Aveyron).

GUIRAUD Annie, spéléologue, assistante-photographe. Individuelle (Hérault).

HEREIL Jean-Paul, spéléologue. SGCAF, Spéléos Grenoblois du Club Alpin Français (Isère).

LIPS Bernard, bio-spéléologue. Club Spéléo Vulcain (Rhône).

LIPS Josiane, bio-spéléologue. Club Spéléo Vulcain (Rhône).

POGGIA Frédéric, spéléonaute. FJS, Furets Jaunes de Seyssins (Isère).

PONT Alex, spéléologue. Clan des Tritons (Rhône).

ROBERT Xavier, Doctorat en Thermochronologie, Chargé de Recherche (CRCN) IRD, Thermochronologie, tectonique, géomorphologie, géologie de terrain, ISTERRE – Université Grenoble Alpes. Club Spéléo Vulcain (Rhône).

Le Turkménistan possède un patrimoine exceptionnel, caché au sein d’un magnifique massif montagneux : le Koytendag.

https://tm.ambafrance.org/Le-Turkmenistan-possede-un-patrimoine-exceptionnel-cache-au-sein-d-un

Un bel article paraitra dans le Spelunca de l’automne 2024, suivi d’une publication et du compte-rendu complet de cette expédition 2024.

Remerciements à la FFS/CREI pour son parrainage, à L’Enseigne Peinte, Chatou, Yvelines (gérant : Thierry Flon, membre FFS du Clan des Tritons) pour la conception et la fabrication gracieuse de l’autocollant Koytendag 2024.

Jean-Philippe GRANDCOLAS & Jean-Pierre GRUAT, juillet 2024.