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Un prix international sur la protection des cavités décerné à une équipe de spéléologues français

L’équipe de Homini’karst, composée de spéléologues français membres de la FFS, a remporté le prix France Habe 2025 pour la protection du karst et des grottes, une distinction internationale délivrée par l’Union internationale de spéléologie (UIS) lors de son congrès au Brésil en juillet dernier.

L’équipe d’Homini’karst est composée de spéléologues français : Laurent Bruxelles, Véronique Olivier, Philippe Auriol, Bastien Chadelle, Gregory Dandurand, Kim Genuite et botswanais Oaitse Ledimo.

La grotte de Gcwihaba est située dans le nord-ouest du Botswana au milieu du désert du Kalahari. Elle constitue un laboratoire naturel unique où interagissent processus géologiques, biologiques et anthropiques. Préservée dans de petites buttes calcaires, elle comporte des brèches fossilifères – conglomérats d’ossements et de sédiments lithifiés – potentiellement porteuses des premiers restes d’hominines anciens de la région. D’où le nom de l’expédition : Homini’Karst. La perspective de découvrir des fossiles d’australopithecus ou paranthropus  alimente les recherches menées conjointement par les spéléologues, les géologues, les archéologues et les paléontologues qui collaborent pour une même quête.

Biocorrosion et dépôt de guano

Deux axes scientifiques structurent les travaux : l’étude des brèches fossilifères, en fouille depuis 2021, et la biocorrosion, processus par lequel les dépôts de guano de chauves-souris interagissent chimiquement avec les carbonates des dolomies. Cette biocorrosion, étudiée notamment par Laurent Bruxelles (CNRS), modifie profondément la morphologie interne de la cavité : formations de « bell holes », altération microscopique et macroscopique des parois, voire doublement de la section de certaines galeries. Les taux de dissolution mesurés, pouvant atteindre 0,65 mm/an, soulignent la dynamique du phénomène.

Gcwihaba cave, entrée nord avec une partie de l’équipe. Photo LBX

Les dépôts de guano, essentiels à la fois d’un point de vue écologique et géomorphologique, jouent également un rôle déterminant dans la conservation ou la disparition des vestiges archéologiques. Leur accumulation explique l’absence d’œuvres pariétales, tandis que leur analyse isotopique et palynologique permet de reconstituer le climat et les écosystèmes passés, révélant une archive environnementale unique à l’échelle du continent.

Les spéléologues contribuent à cette recherche en assurant l’accès sécurisé aux zones de fouille, en explorant les cavités pour identifier les brèches, et en prélevant les échantillons nécessaires aux datations et à l’analyse de la microfaune – éléments permettant de reconstruire les paléoenvironnements.

Cartographie 3D et protection UNESCO

Le site de Gcwihaba revêt également une dimension patrimoniale forte. Exploré dès les années 1950, cette cavité qui comporte deux entrées est désormais ouverte au tourisme avec un guide local et fait l’objet d’actions de médiatisation visant à promouvoir sa conservation. Les populations San, qui utilisent la grotte depuis des millénaires, perpétuent une relation culturelle et rituelle au lieu, notamment via des cérémonies à l’entrée nord, considérée comme sacrée. La cartographie 3D moderne de Gcwihaba cave contribue à la valorisation patrimoniale et scientifique du site.

Travail de cartographie de Kim Genuite.

Gcwihaba cave est devenue une « cavité école », accueillant chaque année le Gcwihaba Campus et hébergeant plusieurs thèses dédiées à la géomorphologie, à la paléoécologie et à la microfaune. Les collaborations régionales et internationales renforcent l’importance scientifique du lieu et montrent la nécessité d’impliquer des spéléologues dans la recherche souterraine.

Enfin, le Botswana porte un projet de classement UNESCO, appuyé par la valeur géologique, écologique, culturelle et scientifique du site. La compréhension du rôle des chauves-souris et de la biocorrosion constitue un élément central de cette démarche, intégrée à un futur programme européen.

Laurent Bruxelles devant un exemple de biocorrosion. Photo CBX

En juillet 2025, lors du congrès de l’UIS, c’est le photographe Philippe Crochet qui a reçu le prix au nom de l’équipe d’Homini’Karst, car il rentrait justement du Botswana après un travail de photographies pour la réalisation d’un livre coédité avec le museum national d’histoire naturelle de Gaborone.

Les rapports 2023 et 2024 des expéditions spéléologiques au Botswana seront bientôt disponibles sur le site de la Commission des relations et des expéditions internationales de la Fédération française de spéléologie.

EXPE GOIAS 2024 V2

Communiqué de Jef Perret

Entrée intermédiaire terra Ronca 2 (Valérie Perret)

L’expédition spéléologique Goiás 2024 s’est déroulée du 20 juin au 7 juillet 2024. Elle a été organisée conjointement par le Groupe Spéléo Bagnols Marcoule de Bagnols sur Cèze dans le Gard, France et par le Grupo Bambui Pesquisas Espéléologicas de Belo Horizonte dans le Minas Gerais, Brésil. Cette expédition marquait l’anniversaire des 30 ans d’amitié et de collaboration entre les deux clubs. Cette histoire a commencé en 1994 sur ce massif du Goiás.

De 16 à 21 spéléologues français et brésiliens ont exploré le massif karstique de la Serra do Calcario et plus précisément la région du Parque Estadual de Terra Ronca dans l’état du Goiás. Le camp de base était installé dans le hameau de São João dans la commune de São Domingos, idéalement situé au cœur de la zone. A partir de ce point, les équipes ont pu rayonner dans toutes les directions. Les objectifs principaux se situaient entre 30 mn et 1h30 de voiture suivi d’une heure à cinq heures de marche sauf l’exceptionnelle grotte de Terra Ronca 1 dont l’entrée est au bord de la piste.

Plusieurs membres de l’expédition, notamment les plus anciens, connaissent très bien cette zone puisqu’elle a été l’objet de plusieurs projets depuis 1994. Les nombreuses découvertes réalisées durant ces années méritent d’être à nouveau inspectées voire re-topographiées avec des moyens plus modernes. Les principales cavités reprises sont : la partie aval de São Vicente1 et 2, Couro d’Anta, Gruta da Craibrinha, l’abismo de Vaca Brava, Terra Ronca 1 et 2, São Bernardo 1, São Bernado 3, São Mateus 4…
Avec les photos aériennes plus récentes, la prospection de nouvelles zones de la région a fait également partie des objectifs en particulier la partie à l’ouest de São João vers la perte de Vaca Brava ainsi qu’au sud entre São Bernardo 1 et São Bernardo 2. Pendant un peu plus de quinze jours, les équipes vont, soit arpenter le massif à la recherche de nouvelles cavités, soit chercher de nouveaux passages dans les réseaux connus ou bien réaliser de nouvelles topographies plus précises. Cette stratégie s’est avérée payante puisque de nombreuses découvertes ont ainsi été faites. Sans que toutes les données soient encore traitées, l’expédition ramène environ 20 km de topographie dont à peu près 6 km de première. Plusieurs nouvelles galeries et salles ont été inventées notamment dans São Bernardo 1, São Vicente 1, Terra Ronca 2, Gruta de Vitorino… De nouvelles cavités ont été inventées : Gruta da Onça, Gruta do Tintin, Sumidoro de Vaca Brava, Pertes du Rio Seco,…

Lors de cette expédition, de nombreux contacts ont été pris avec les guides locaux pour les sensibiliser sur divers points tels que la géologie, la biologie, l’environnement, la sécurité et le secours sous terre notamment lors d’une conférence.

Les résultats de cette nouvelle expédition dans cette région ont permis de constater qu’il y avait encore beaucoup de potentiel pour faire de belles découvertes. Certes, elles sont moins évidentes qu’il y a quelques années ou nous n’avions qu’à suivre les cours d’eau et explorer la galerie principale aux dimensions hors normes pour nous. Aujourd’hui, nous devons utiliser des techniques modernes pour effectuer des escalades, rechercher avec des logiciels des entrées probables, suivre des cours d’eau asséchés sur des cartes et parfois même faire un peu de désobstruction mais le travail s’est avéré payant et gratifiant. En bouquet final, qui est sans doute le plus important, l’expédition s’est déroulée dans une exceptionnelle convivialité.

Participants du GSBM : Olivier et Isabelle SAUSSE, Guy DEMARS, Valérie et JeF PERRET. Responsable de l’expédition et rédacteur : Jean-François (JeF) PERRET.