Expédition spéléologique dans le rif marocain : l’inventaire de la faune cavernicole se poursuit

L’expédition franco-marocaine se nomme Talassemtane – Rif 2025 et elle s’est déroulée du 11 au 23 aout 2025. L’exploration se situe dans la province de Chaouene, Dorsale calcaire du Rif, massif du Lakraa-Tissouka

Depuis 2022 les découvertes se succèdent dans le Rif (Dorsale calcaire – Province de Chaouene). Les pompages pour l’irrigation ont permis de progresser dans le Kef Ansar Tinioune, qui atteint 2018 m de développement (-9, +31), le déboisement (toujours pour la culture du
cannabis) a permis à des spéléos de Chaouene de découvrir le Kef radâa (développement 4244 m, -17, +46).
Si l’on ajoute quelques cavités moins importantes, cela représente 5 840 topographiés, plus de 6 km explorés.

Une équipe pluridisciplinaire


Le premier siphon du Kef Bradâa a été franchi en 2024 (100m, -18), arrêt sur un S2 dont la plongée est prévue pour 2026. Un premier réseau supérieur a été exploré, cette cavité est loin d’être terminée.
Les expéditions ont réuni des équipes françaises (Spéléo Club de Blois, Spéléo Club de Touraine, Groupe Spéléologique Vulcains, individuels et marocaines : clubs de Chaouene, Marrakech, Casablanca, Taza), au total 15 spéléos français et 7 marocains.


Elles ont permis de poursuivre l’inventaire de la faune souterraine de la région grâce à la présence de biologistes : Sylvain LECIGNE (arachnologue), Soumia El MOUTAOUKIL (biologiste marocaine), Bernard LIPS et Josiane LIPS (membres du GEB).
Une nouvelle expédition est prévue en 2026.

Six cavités nouvelles

L’expédition avait pour but la reconnaissance de zones nouvelles ou peu explorées. Il n’a pas été possible de réaliser tous nos objectifs en raison des difficultés d’accès et des temps de parcours dus à l’état des pistes.

Néanmoins 6 cavités nouvelles ont été répertoriées et topographiées, pour un total de 362 m dans l’état actuel des reports.


A noter qu’une équipe régionale marocaine (Clubs de Chaouene et de Tetouan) est parvenue à faire l’exploration du Kef Toghobeit (-722) en totale autonomie début octobre 2025.

Expédition canyon sur l’île de Sao Tomé : cascades et sensations

14 membres de l’Association AERE se sont dirigés vers l’ile de Sao Tomé, dans le golfe de Guinée, dans le but d’y présenter une nouvelle activité, d’en équiper les cascades, et de former nos guides-fixeurs.
Olivier Courtois, Dominique Courtois, Gérald Drieux, Yvan Schirmer, Jean-Michel Eidenschenck, Floria Drieux, Benjamin Némard, Emmanuel Remund, Julie Boulbes, Sandra Turillon, Pascal Hestin, Sandra Hestin, Sabine Repecaud, Jean-Jacques Membrede.
Cette expédition a obtenu l’agrément de la Fédération Française de Spéléologie et l’aide de notre Comité Départemental Spéléologique d’Alsace. Plusieurs fabricants ou revendeurs de matériels ont également apporté leur contribution :

  • Le fabricant de matériel de canyoning, Tebylon
  • Le fabricant de sacs et sacoches, Bag Bâche
  • Le fabricant Alsafix
  • Le magasin de sport Sport Loisir Équipement, à Belfort
  • Le magasin Canyon Zone
  • L’entreprise alsacienne VOB
  • Le droniste Julien Kloss et son entreprise

    Sur place, nous avons été pris en charge par José Gonçalves, dès notre sortie de l’avion. Il s’agit de notre hébergeur et loueur de véhicules. Wilson Pires, l’un de nos deux guides, est aussi là.


Journalier

Vendredi 17 octobre : toute l’équipe se rend soit en voiture, soit en train, à l’aéroport de Francfort (Allemagne), d’où partira le vol vers Lisbonne (exception faite de deux membres qui partiront de Bâle).

Samedi 18 octobre : via Lisbonne, vol vers Sao Tomé. Départ de Francfort à 6 heures du matin et arrivée le même jour à 19h, heure locale. José nous emmène à notre hôtel et nous offre son pot d’accueil.

Dimanche 19 octobre : l’ensemble des membres part en reconnaissance avec nos guides, Brice et Wilson. Au volant de nos 4×4, nous découvrons plusieurs sites le long de la rivière Abade, les accès amont et aval, les difficultés des pistes défoncées et des sentiers abandonnés.

Lundi 20 octobre : deuxième jour de prospection, en équipe complète, cette fois-ci le long de la rivière Ouro, de ses affluents, de la rivière Gemeas, et de la rivière Manuel Jorge… Que ce soit à pied ou par drone, nous repérons nombre de sites à explorer.

Mardi 21 octobre : deux équipes se dirigent vers le rio Ouro pour y descendre deux des affluents repérés, tout en initiant nos deux guides. L’affluent C34 et C15, dénommés ainsi par la hauteur des deux cascades visibles de la route, puisque ni chemin, ni cours d’eau ne sont représentés sur les cartes !

Mercredi 22 octobre : une équipe se rend à Sao Nicolau, pour descendre un peu moins de deux kilomètres de la rivière Manuel Jorge, alors qu’une seconde équipe démarre plus en aval, pour découvrir elle aussi un peu moins de deux kilomètres de rivière, entre Igreja et Milagrosa. La descente de la cascade touristique de Sao Nicolau est pour notre guide un incroyable défi, qu’il réalise avec une fierté dans le regard d’une immense intensité !

Jeudi 23 octobre : les membres se regroupent pour équiper un affluent du rio Abade, l’affluent C20, puisqu’une nouvelle fois, aucune rivière ne figure sur la carte.

Vendredi 24 octobre : prospection vers Angolares, pour y recenser Angolares, Angular, Nazares, Contador… et nombre d’affluents plus ou moins intéressants.

Samedi 25 octobre : une équipe se dirige vers le rio Ouro amont, alors que la seconde part explorer Gemeas. Les accès sont toujours compliqués, même si pour Gemeas, nous atteignons le point souhaité sans aucune erreur d’itinéraire.

Dimanche 26 octobre : l’équipe au complet se dirige vers ce qui deviendra l’une des perles de l’ile en matière de canyonisme, engagé, inquiétant, très aquatique, mais de toute beauté, le canyon de Gruta Morsego, « la grotte des chauves-souris » !

Lundi 27 octobre : une équipe se rend à Angolares, et la seconde à Angular. Au bas de la première cascade d’Angolares, l’équipe 1 se fait surprendre par une crue l’obligeant à quitter le cours d’eau, alors que la seconde, à la fin de la partie verticale, subit une brusque montée des eaux, la rivière passant en moins d’une minute de 40 litres/seconde à plusieurs mètres cubes ! Une frayeur n’ayant pour conséquence heureusement qu’une perte de matériel !

Mardi 28 octobre : une partie de l’équipe se remet de ses émotions de la veille alors qu’une seconde se rend dans la palmeraie du sud du pays, pour tenter de trouver des accès à la zone souhaitée de bivouac pour le secteur de la rivière Umbugu. Un sentier est trouvé, cependant toutes les rivières et affluents étant en crue, nous renoncerons à ce projet de bivouac.

Mercredi 29 octobre : retour à Angolares, sous le soleil cette fois-ci. Peu avant la fin de nos deux heures de marche d’approche, la pluie arrive. De plus en plus forte, elle nous fait hésiter. La rivière est en crue et nous rebroussons chemin une nouvelle fois. Un vallon parallèle, dont
la rivière ne figure sur la carte, nous permet de poser quelques points et de descendre quelques cascades. En arrivant à l’altitude basse de la grande cascade d’Angolares, nous la rejoignons pour en descendre la suite, puisque les 3⁄4 du débit sont ici captés vers l’unique centrale hydro-électrique de l’ile. La fin de la journée est marquée par une inspection le long d’Angular pour tenter d’y retrouver deux sacs emportés par la crue.

Jeudi 30 octobre : journée tous ensemble à Gue Gue, un site en aval de la rivière Manuel Jorge. L’unique cascade offre une vue parfaite pour y réaliser quelques photos.

Vendredi 31 octobre : alors qu’une bonne partie de l’équipe s’offre une journée de tourisme bien méritée sur l’ile de Rolas, cinq irréductibles se dirigent pour la 4ème fois vers la cascade d’Angolares, croisant les doigts pour que les deux heures de route suivies des deux heures de marche ne soient pas une nouvelle fois faites en vain ! Le soleil nous accompagnera toute la journée ! Nous nous offrons le luxe de poursuivre par le bas de la rivière, en contournant la partie explorée il y a quelques jours. Une petite dizaine de cascades descendues et nous voici devant la porte de notre 4×4.

Samedi 1er novembre : préparation des paquetages pour un retour vers nos foyers, notre vol décollant vers 22 heures. Arrivée le dimanche 2 novembre à Francfort, puis cinq heures de route nous permettent d’être chez nous aux alentours de 21 heures.

15 descentes réalisées

En résumé, ce sont quinze descentes que nous avons pu réaliser, deux guides devenus autonomes si ce n’est dans l’équipement, dans leur descentes et progression sur corde, et surtout, un formidable tissu local qui nous permettra très certainement de revenir mieux préparés, pour une expédition plus ambitieuse !
Nous avons pu constater les difficultés liées à l’absence de carte fiable, où nombre de cours d’eau ne sont pas représentés, où ceux représentés ne sont pas forcément aux bons endroits, où les sentiers sont absents…
Les pistes peuvent être en très mauvais état, parfois on peut les descendre mais pas les remonter !!


Nous avons cartographié, via une application GPS, les itinéraires empruntés, en voiture ou à pied, ainsi que les cours d’eau.
En plus des sponsors et parrainages cités plus haut, l’équipe tient particulièrement à remercier tous nos contributeurs via la plateforme participative, Claude Roux, Myriam Virot, Nicole Bertin, Jean-Pierre Richard, Eric et Elisabeth Drieux, Lydie Drieux, Maëlle Hestin, Marina
Mannarelli, Katia Schutz, Régine Maier, Michel Spenle, Hélène Jakubowski, Hélène Biegel, Nadjib Belaribi, Ambroise-Marc Poudevigne, Françoise Mazard, Audrey Antoine , Lynda Vamparys, Patricia Burget, EZstelle Kieffer, Adélaïde Vendrame, Lionel Montagne, Valérie
Bollecker, Léa Rigard, Xavier Zimmermann, Thomas Janski, Auriane Mentele, Elodie Pierre, Evelyne Boulbes, Mathieu Belon, Charlotte Comparon, Nathalie Melee, Johanne Belon.
Ainsi que les entreprises de « Montagne Passion Itinérance » et « Aventure et Canyon » qui ont mis à disposition de l’expédition un important lot de matériel.

Expédition spéléologique au Botswana : une nouvelle grotte fossilifère explorée

L’expédition Hominins in Botswana : Karst research project s’est déroulé du 30 septembre au 21 octobre 2025. L’objectif premier de la mission est la recherche d’hominines anciens dans les karsts du Botswana. Une telle découverte montrerait que d’autres fragments du Berceau de l’humanité (origine du genre Homo) existent en Afrique et validerait l‘idée d’une origine panafricaine de notre genre. L’une des principales activités cette fois-ci était d’extraire la brèche décalcifiée de Bone cave afin de faire sécher le sédiment au soleil et permettre un tamisage plus facile et plus rapide.

Le deuxième objectif consistait à continuer les visites des cavités de Koanaka hills à la recherche de nouveaux gisement fossilifères et, en parallèle, de mieux comprendre la karstogenèse de ces massifs très peu connus.

Le troisième objectif a permis de sécuriser l’entrée de Bone caves, des blocs rocheux de grandes tailles menaçant de rouler sur une trémie instable, mettant en péril la poursuite de la mission.

Bastien à l’étayage de Bones cave revient avec des troncs d’acacia.

Cette mission a été très engagée physiquement avec des moyens humains importants mais insuffisants (19 personnes au total) et des véhicules défaillants.

Les membres de l’équipe :

Laurent Bruxelles : directeur de recherche au CNRS UMR 5608, géomorphologie et géoarchéologie TRACES – directeur du Centre International de Recherche SHARE CNRS-Wits -professeur honoraire de l’université du Wittwatersand à Johannesburg – spéléologue fédéré à la FFS

Gregory Dandurand : géoarchéologue et karstologue à l’INRAP Nouvelle Aquitaine et outre-mer – UMR 5608 TRACES – spéléologue fédéré à la FFS

Philippe Auriol : médecin spécialiste en milieu isolé, spéléologue fédéré à la FFS

Jean-Baptiste Fourvel : chercheur en paléontologie et taphonomie UMR 5608 TRACES à Toulouse

Bastien Chadelle : doctorant en géomorphologie UMR 5608 TRACES, spéléologue fédéré à la FFS

One Clays Tshukudu : paléontologue, spécialiste de la micro faune UMR 5608 TRACES à Toulouse – Doctorante à l’université Toulouse Jean Jaurès

Pierre Linchamps : paléontologue spécialiste de la microfaune, post-doctorant à l’université du Wittwatersand à Johannesburg – muséum national d’histoire naturelle France – Histoire naturelle de l’homme préhistorique en Afrique du Sud

Francis Duranthon : paléontologue spécialiste des mammifères fossiles et néogènes, CAGT, past-directeur des muséums de Toulouse métropole et directeur des musées de la ville de Toulouse.

Véronique Olivier : spéléologue fédérée à la FFS

Avec nous, l’équipe Botswanaise du musée de Gaborone : Oaitse Ledimo, Milton Tapela, Foster Motshola, Tsoholo Mopoto Et des volontaires du village de Xaï Xaï, trois femmes et trois hommes : Kandu Komutjiua, Neo Xixae, Thapelo Xixae (la maman de Neo), Philip Xaashee Xixae, Uritjiua Marenga, Tshao Xixae.

L’équipe est au complet et Philippe Auriol tient l’appareil photo. Photo PAU

Résultats

Pour permettre la réussite de la mission, les spéléologues ont mis en œuvre des techniques spécifiques comme l’installation de deux tyroliennes pour acheminer les sédiments du haut vers le bas de la colline, et l’utilisation d’éclateurs de roche pour fragmenter des blocs dangereux lors de la sécurisation de Bone cave.

La Tyrolienne 1 en action avec Francis à l’entrée de Bones cave. Photo VOL

Les extractions de deux brèches, jaune ou rouge, prélevées à des endroits différents de Bone cave ont permis de traiter (de tamiser et de conditionner pour l’étude) entre 8 à 10 tonnes de sédiments, révélant plusieurs milliers d’ossements dont des espèces jamais décrites à ce jour. Nous avons acheminé ainsi, grâce à une chaîne humaine, 608 seaux de l’intérieur de la colline (– 40 m) jusqu’à l’entrée de la cavité pour les redescendre grâce à deux tyroliennes, au pied de la colline (2 x 45 m) avant de les vider sur des bâches.

On peut dire que nous avons déplacé un morceau de la montagne. Les sédiments ont été entassés en 4 jours et leur tamisage effectué en 2,5 jours.

La visite de Fossil’s cave, une cavité découverte en 2016 par Oaitse Ledimo et une équipe de forage à la recherche de kimberlite (le minerai qui contient du diamant) a permis de remarquer la présence d’une brèche rose très prometteuse qui comporte de nombreux ossements dont une forte proportion d’oiseaux. Certains sont inféodés aux milieux lacustres. Un fragment de molaire, potentiellement d’hippopotame, est en cours d’identification.

Sortie de Fossil Cave. L’amarrage est la boule de remorquage du 4×4 au-dessus d’un tube de forage de 43 m. Ledimo, Véro ; Laurent, Philippe et Greg. Photo Oatse Ledimo

La mission a connu divers aléas avec un docteur malade plusieurs jours, des véhicules victimes d’avaries (suspension cassée, allumage défectueux, train arrière cassé), une luxation d’épaule réduite par le doc malade qu’on a tiré du lit, des serpents gitant souvent dans les cavités qu’il fallait attraper et éloigner pour travailler, une crise de panique d’un paléontologue au milieu d’un tube de forage de 43 m (et 70 cm de diamètre)… et un chaos organisationnel le dernier jour, qui a conduit à l’abandon fortuit de 2 membres de l’équipe en pleine brousse. Heureusement tout s’est toujours bien terminé.

Philippe, médecin,  est intervenu à diverses reprises sur la mission.

Quand c’était possible, Laurent attrapait les serpents pour les isoler dans une bouteille le temps de la fouille puis ils étaient relachés en surface.

Les pièges photographiques disposés dans Gcwihaba cave ont permis de constater que les deux léopards qui vivent dans la grotte (lire page 72 rapport BTW 2023) se sont accouplés.

Un pigeon bagué que nous avons appelé Joséphine s’est invité sur notre camp avancé le temps de notre séjour, prenant un 4×4 comme pigeonnier. Elle nous a tenue compagnie durant 15 jours, nous attendant quand nous rentrions au camp de base.

Nous avons baptisé ce pigeon de basse cour Joséphine . Elle a pris une voiture pour pigeonnier au coeur du Kalahari et ne nous a plus quitté. Nous attendant quand nous rentrions au camp de base.

Perspectives

Tous les indices convergent vers un environnement lacustre et la présence d’un paléo lac aux alentours de Koanaka hills et Gcwihaba hills il y a environ deux millions d’années. Ce paléo-environnement serait un écrin propice à la présence d’hominines.

La mission Hominins in Botswana continuera en mars 2026 afin de poursuivre les travaux en cours et consacrer du temps et des résultats à une équipe de télévision. Des études paléoenvironnementales et paléoclimatiques seront menée conjointement avec une équipe indienne et coréenne. Une collaboration avec les géologues travaillant dans le Delta de l’Okavango (lire page 58 rapport BTW 2024) commencera à cette occasion. Il s’agira de lier l’histoire du Delta avec l’histoire des grottes au travers du carottage de guano de chauve-souris. L’étude de cette carotte sera menée conjointement par une équipe de l’université du Witwatersrand (Johannesburg), un étudiant sud-africain et des étudiants de l’Université du Botswana.