Expédition spéléologique Picos Padiarna en Espagne : record de profondeur à -839 m

Depuis 1971, l’ASC établit un camp spéléo dans les Picos de Europa, au début uniquement entre Français, et depuis plusieurs années en collaboration avec le club CE Alfa de Madrid et d’autres spéléologues espagnols.

HS4 : Camille dans la galerie qui débouche sur la grande salle – 760 m. Photo O. Sausse

Après notre record de profondeur de 2024, l’objectif évident est la suite de l’exploration du HS4, qui va centraliser tous nos efforts. 

Mais le LL22, découvert en 2023, n’a pas dit son dernier mot !

Cette fois-ci nous étions 10 Français licenciés, avec 3 spéléos espagnols. À la suite, Éric a participé aux activités de l’équipe de Madrid, du 2 au 10 août. 

HS4 : un bivouac à -395 m dans la salle du menhir

Explorée depuis 2011, à 2350 m d’altitude, cette cavité est une des plus hautes de notre zone, dans un cirque garni par un névé. Pour y pénétrer, il fallait trouver un passage dans la rimaye, entre glace et paroi rocheuse, ce qui n’est plus d’aucune difficulté depuis ces trois dernières années, la glace ayant fondu comme jamais auparavant.
Le P130, nommé « puits débouché » reçoit toutes les pierrailles qui ne sont plus fixées par la glace, et nécessite un rééquipement plus sécurisant, ce qui est assez problématique.

Grande salle du HS4. Découverte majeure de 2025, -800 m. Photo O. Sausse


Une succession de puits avait permis de descendre à -300m en 2022, puis d’atteindre la profondeur de -425m en 2023, à la tête d’un puits énorme, évalué à 300m au lancer de caillou.
Mais vu les deux heures de portage depuis le campement jusqu’à l’entrée du HS4, et les efforts importants pour progresser dans cette cavité entre 1° et 2°C, l’installation d’un bivouac est indispensable. La salle du Menhir, à -395m, accueille un barnum et des hamacs depuis l’an dernier.
En 2024, le P395 qui suit a abouti à un arrêt sur trémie, à -839m. C’est le record de profondeur pour notre zone de prospection. En remontant, l’équipe avait repéré une grosse lucarne vers -620m avec un fort courant d’air ; c’était un objectif possible pour cette année.
La première équipe de pointe refait la topographie du fond du puits car un doute subsiste : le P375 est en réalité un P395 !
Cette fois-ci pas de brouillard dans le fond du grand puits et une grosse lucarne est repérée lors de la topo à 80 mètres du fond. Une galerie est découverte, qui débouche sur une énorme salle de 220m sur 80m ; haute par endroits de plus de 100m.
Sur un des côtés de la salle, une conduite forcée remplie d’aragonite est découverte, un fort courant d’air aspirant est présent.

HS4 : Camille dans la galerie Aragonite, topo -780 m. Photo O. Sausse.

On débouche sur une zone d’effondrement, et entre les blocs on recroise un affluent qui débouche sur un P20 et P10 dans un actif. De là, part un méandre type vauclusien sans courant d’air et le terminus est un P10 qui semble finir sur pincement.
Pour le moment, il n’y a pas de suite évidente, mais un gros travail de topographie a été nécessaire. Il reste des recherches en suspens pour 2026 y compris la lucarne qui nous attend sagement.

LL22 : arrêt sur un puits énorme

Cette zone, juste en dessous du campement, a été parcourue de nombreuses fois depuis des dizaines d’années. Et pourtant, Isadora et Jocelyn, nouveaux venus, ont découvert une nouvelle entrée en 2023, nommée LL22. Là, pas de grand puits, mais une succession de passages étroits qui, cèdent un à un sous leur acharnement, jusqu’à atteindre -124m de profondeur.
La suite est là devant nous, arrêt sur puits avec un énorme courant d’air.
Un gros travail d’aménagement a été fait les derniers jours sur la zone d’entrée.

HS4 : fond du P395. Photo O. Sausse
  • TA60 Découverte d’une autre entrée, explorée jusqu’à -43m, arrêt sur méandre étroit.

Bilan exceptionnel. Le 2N, avec 680m de profondeur, est battu, et le 5P (-836m) est égalé. Quelle récompense inespérée est la découverte de cette énorme salle, après 14 ans d’efforts dans le HS4 !
Et cette réussite est le résultat d’une bonne coordination entre tous, Français et Espagnols.

Expédition spéléologique en Ouzbékistan : une collaboration archéo-spéléo

Les objectifs de cette première partie d’expédition qui s’est déroulée du 6 au 24 juillet est un premier contact avec le massif du Koytendag côté Ouzbékistan après les expés 2023 et 2024 côté Turkménistan. Celle-ci se déroule en collaboration avec la Mission Archéologique Française en Asie Centrale (MAFAC) qui fouille depuis l’année dernière un site présentant plusieurs occupations néandertaliennes.

Prospection et fouilles archéologiques

Il s’agit en premier lieu de découvrir la grotte de Khatak , actuellement fouillée par l’équipe archéologique de Frédérique Brunet directrice de recherche au CNRS, d’explorer le district de la réserve naturelle où la mission détient un droit d’exploration et de fouilles, de déterminer le potentiel du massif en grottes, et de documenter ces dernières.

  Les trois membres de l’expédition (Philippe Auriol, Lionel Barriquand et Véronique Olivier) se retrouvent le 5 juillet à l’aéroport d’Istanbul. Nous arrivons en tout début de matinée à Samarcande. Les trois premiers jours sont consacrés à la découverte de cette ville mais aussi de l’archéologie de l’Ouzbékistan et des civilisations qui se sont succédées en Asie centrale.

Place du registan à Samarcande. Photo VOL

Le 9 juillet nous prenons la route en taxi pour Khatak au sud-est du pays (150 dollars pour 3 personnes avec les bagages et 450 km à parcourir). Après 6 h de voyage, nous arrivons sur place et faisons connaissance avec l’équipe des archéologues français et ouzbèkes. Nous nous installons chez l’habitant, une ferme vivrière. Le 10 juillet, nous rentrons pour la première fois dans la réserve naturelle où se trouve la grotte de Khatak et où nous allons prospecter. En Ouzbékistan, une réserve naturelle est strictement fermée, y compris au pastoralisme et nous sommes en permanence accompagnés. Nous faisons connaissance avec la cavité qui semble, à première vue, avoir un développement limité. Nous procédons aux premières observations et envisageons nos actions pour les jours suivants. Dès le lendemain, nous prospectons dans le massif (3 vallées différentes). Chaque jour, nous parcourons entre 12 et 20 km en essayant de repérer des cavités qui sont, si possible, immédiatement parcourues et documentées.

« Grotte des deux oisillons », Ikkita qush karmar avec un développement de 21 m. Photo VOL

Des grottes perchées et de petites dimensions

Malheureusement, la plupart correspondent à des baumes sans réel développement. Finalement, Véronique et Philippe topographieront 15 cavités et géo-référenceront 19 points remarquables. Toutes les cavités ont été documentées par Lionel (photographies mais également toutes les informations géomorphologiques, occupations animales, traces, spéléothèmes…). Nos travaux ont répondu aux attentes de l’équipe de la MAFAC avec en particulier, la découverte de vestiges remarquables, qui feront l’objet d’une étude dans le futur.

À partir du 13 juillet, un caméraman est présent pour constituer les images d’un documentaire de 90 min en cours de signature pour la chaine TV Arte sur la coopération spéléologues archéologues. Les prises d’images sont multiples avec à la fois les aspects sportifs et scientifiques de la spéléologie.

Interview de Lionel Barriquand dans la grotte d’Adjina Karmar. Photo VOL

L’exploration du massif et de ses 3 vallées a permis de comprendre la formation du karst en cet endroit.  Si le karst y semble très développé, il ne permet que rarement la formation de grotte pénétrable. La zone en réserve naturelle ne nous a pas permis d’obtenir des informations auprès des Ouzbèkes sur la présence de grottes, puisqu’il n’y a pas de pastoralisme. Adjina Karmar (la grotte aux esprits) est néanmoins connue et remarquable. Nous la topographions avec un développement de 60 m et une profondeur de 15 m. Il s’agit d’un piège à froid avec une température de 14 °C à sa station terminale. La température extérieure frisant en juillet les 47 °C. L’entrée de la cavité à 6 m du sol ne pose pas de problème d’accès grâce à un éboulis.

Ouch’ G’orlar et deux de ses trois baumes. La réserve naturelle nous fait face. Photo VOL

Des cavités remarquables, mais vite impénétrables

Dans la vallée voisine, en limite de la réserve nous explorons une cavité comportant 3 baumes que nous traduisons en ouzbèke en Ouch’ g’orlar qui développe 187 m de réseau labyrinthique en pente ascendante de 8 m. L’accès à la cavité nécessite une marche d’approche raide de 35 minutes en serpentant dans les strates du massif. Elle est également topographiée.

Muzqaymoq Karmar et ses coups de cuillères à glace. Développement 6 m. Photo VOL

La grotte de Khatak est également topographiée pour les besoins de la mission archéologique. Elle comporte un nombre impressionnant de matériel lithique. Il s’agit d’un site ayant connu plusieurs habitats successifs de néandertaliens. Le sol rejoignant le plafond, nous n’avons pas pu l’explorer plus avant sans désober, ce que Frédérique ne souhaitait pas, pour ne pas effacer les premiers niveaux de vestiges anthropiques et paléontologiques. Son développement actuel est de 25 m avec un porche d’entrée de 13 m par 18 m de hauteur.

L’expédition Surkhan Daria se poursuivra avec une équipe renforcée afin de prospecter trois nouvelles zones, plus au sud du massif du Koytentag aux alentours de Vandob.