L’expédition Lifou 2014 parrainée par la Fédération Française de Spéléologie et aidée par le COSIF, s’est déroulée du 25 juillet au 25 aout 2014 sur l’ile de Lifou en Nouvelle Calédonie pour poursuivre nos explorations débutées en 1995. Quatre spéléologues d’AVENS y participaient : Matthieu Caillaud, Laurent Thomas, Ludovic Verfaille et Philippe Brunet. Notre travail mené avec l’aval des autorités coutumières permet d’enrichir les connaissances sur les grottes et les rivières souterraines de l’ile.
En 2014, après 3 000 mètres de découvertes supplémentaires, nos explorations sur l’île de Lifou totalisent 42 kilomètres de galeries souterraines.
Cette année, comme chaque année depuis 2008, le club AVENS est parti en exploration dans les entrailles de l’île et en a rapporté quelques kilomètres de cartographie supplémentaires. Philippe Brunet, le responsable d’expédition, a débuté en 1995 les explorations sur Lifou avec Christian Thomas du SCX. Depuis 2008, l’Association pour la Valorisation des Espaces Naturels Souterrains revient chaque année au mois d’aout pour poursuivre ce travail. En avançant pas à pas, nous avons ainsi découvert à ce jour 42 kilomètres de grottes. Nous en sommes aujourd’hui à 36 kilomètres de grottes sèches et 6 kilomètres de rivières souterraine et trous d’eau. La grotte Athépé développe 8906 mètres de galeries de 10 à 30 mètres de diamètres et Hnanawae avec 12000 mètres de galeries labyrinthiques est la plus grande du territoire.
Comprendre
Depuis tant d’année, l’exploration sur Lifou est devenue une véritable passion. L’exploration permet de découvrir des territoires non connus et d’en faire la cartographie qui permet de comprendre. Si nous demandons systématiquement au préalable les autorisations coutumières dans chaque lieu exploré, nous ne concevons pas de repartir simplement avec les données collectées. L’exploration n’est intéressante que dans une optique de partage. Les topographies et les photos permettent de rapporter quelque chose et de donner. C’est un retour vers ceux qui sont sur la terre et ne pourront pas aller au dessous.
Dans une île où aucun cours d’eau n’existe, les galeries souvent sèches se transforment parfois en véritables rivières. En 2009, dans la tibu de Kumo, Philippe a découvert avec l’aide de sylvain Pujolle, de – 35 à – 50 mètres de fond, dans un trou d’eau au fond d’un gouffre dans la brousse, un important gisement de coquilles de Nautiles en cours de fossilisation. Ce gisement fait l’objet aujourd’hui d’études indépendantes par l’IRD, l’université de Nouvelle Calédonie, Edythem et une université américaine sous la direction du chercheur spéléologue que Philippe a emmené sur le site en 2010.
A chacune de nos expéditions, Philippe rencontre le président de l’aire coutumière Drehu, le grand chef Evanes Boula, pour lui remettre un compte rendu détaillé. En 2014, la synthèse des explorations de chacun des 3 districts a été transmise pour chacun des grands chefs. Nous proposons aussi des temps de rencontre avec le public et les scolaires au cours de conférence au collège.
Le partage avec les scientifiques est systématisé, en 2010, 2011 avec des géologues pour les Nautiles, en 2012, 2013, avec un hydrogéologue pour l’étude de la lentille d’eau douce, et en cette année, avec un spécialiste des chiroptères pour l’identification des chauves souris. Ainsi, pour la première fois sur le territoire, des chauves souris ont été observées en état d’hibernation causé par une vague de froid exceptionnel au cours de cet hiver austral.
Un stage de plongée souterraine durant l’expédition a permis de perfectionner certains des stagiaires des années précédentes dans la grotte de Luengoni. Des images ont été tournées à cette occasion. Conformément à la convention toute récente avec la FFESSM, ce stage était accessible aux fédérés FFESSM non adhérents FFS.
Eau
L’ensemble des explorations permet également d’expliquer une partie de la formation de l’ile et la circulation de l’eau dans le sol de Lifou. Des trous d’eau visibles par photos aériennes de We à Jozip n’ont pas encore pu être plongés par défaut d’autorisation. Leur exploration est indispensable pour améliorer les évaluations des réserves d’eau douce. Ces connaissances sont nécessaires pour la compréhension des risques de pollution et pour prendre en compte la vulnérabilité des ressources en eau potable, pour les protéger.
Les explorations spéléologiques rejoignent les connaissances historiques. Dans la société Kanak des iles Loyauté au XIX e siècle, l’eau était rare et les tribus allaient chercher ce qui leur était nécessaire dans les grottes. Au XXe siècle, ce sont des citernes enterrées construites près des maisons qui ont pris le relais. Les toits de tôle permettent la récupération de l’eau de pluie en quantité plus importante. Dans le même temps les religieux protestants organisent les tribus autours des lieux de cultes, loin des points d’eau devenus inutiles. Le chemin des grottes est alors abandonné.
Cette ressource est vulnérable. Depuis une trentaine d’années, la création de stations de pompage et la mise en place de l’adduction d’eau apporte un nouveau confort . Les calculs prévoient une nappe abondante, mais nos plongées montent qu’au niveau des drains karstiques, la remontée de l’eau salée est beaucoup plus importante qu’on ne l’avait supposé. La gratuité de l’eau sur l’ile, le gaspillage et les fuites induisent un pompage excessif. L’eau est saumâtre parfois très près de la surface, la réserve est donc limitée sans que la situation soit préoccupante aujourd’hui. En effet l’ile qui a connu jusqu’à 40 000 habitants au 19 ème siècle n’en compte plus qu’environ 6 à 7000 iliens permanents aujourd’hui.
Une équipe de Thalassa a suivi les 4 premiers jours de l’expédition pour un reportage de 26 minutes, qui sera diffusé en 2015.
Après 3 kilomètres de nouvelles découvertes, nous pensons revenir en 2015.
Philippe Brunet
ph.brunet at free point fr