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Expédition spéléologique internationale « Nord-Pérou » août-octobre 2024

Comme chaque année depuis 2003, une nouvelle expédition est organisée par le tandem franco-péruvien GSBM-ECA (Groupe Spéléo Bagnols Marcoule / Espeleo Club Andino) sur plusieurs secteurs du versant amazonien des Andes du Nord du Pérou. L’expédition 2024, qui se déroule d’août à octobre, rassemble 39 spéléologues originaires de 8 pays (Allemagne, Autriche, Equateur, France, Irlande, Pays-Bas, Pérou, Royaume-Uni).

Tragadero del Ojo Derecho de Lorenzo et le premier camp à Granada. Photo Jean-Yves Bigot

La France aligne le plus gros contingent avec 13 participants dont 11 spéléos fédérés FFS issus de 4 clubs de la région Occitanie (GSBM Bagnols-sur-Cèze : Christian Klein, Florian Richard, Jean-Denis Klein, Jean-Loup Guyot, Jean-Yves Bigot, Pierre Bevengut, Raphael Gueit, Thibaud Duchateau ; SCSP Alès : Bastien Walter ; SCVV Nîmes : Adeline Ferrandez ; SRSASR Sorèze : Julien Jeannin). Arrivé à Lima, Patrice Baby (SCHS Tarascon-sur-Ariège) a dû interrompre sa participation à l’expédition pour raison de santé.

Tragadero Olvidado à Soloco. Photo Jean-Loup Guyot

Découverte de la perte du col de l’arche

L’expédition débute le 12 août sur les hauts plateaux (3500 m d’altitude) qui dominent le village de Granada, au Nord-Est de Chachapoyas, la capitale de la région Amazonas. Cette première partie de l’expédition est pilotée par Peter Talling (UK) et rassemble tous les participants anglo-saxons, 2 français et 1 péruvien. Un premier groupe installe son camp à proximité des deux pertes de Lorenzo, découvertes en 2023 et qui sont explorées jusqu’à -265 et -275 m. Un deuxième groupe s’installe à proximité du Tragadero de la Soledad (Perte de la Solitude) découvert en 2022 et exploré sur 2200 m en 2023. Cette année, le développement passe à 4187 m (-323 m) et la perte devient la plus longue cavité du Pérou… De très nombreuses cavités de moindre importance sont explorées sur le massif. En fin de partie, deux autres français rejoignent ce deuxième groupe alors que l’équipe anglo-saxonne se retire. Cette équipe franco-péruvienne réduite découvre la perte du col de l’arche (Tragadero de Abra del Arco), avec un P170 et arrêt sur rien vers -200 m. Bilan de cette première partie de l’expédition : une soixantaine de cavités explorées, 3598 m de galeries topographiées.

Dans le Tragadero Olvidado à Soloco, une magnifique céramique de facture « chachapoya » est découverte. Photo Jean-Loup Guyot

Une céramique de facture « chachapoya »

Le gros de l’équipe franco-péruvienne se retrouve à Soloco, à l’Est de Chachapoyas, le 6 septembre alors que 3 français et 1 péruvien terminent l’explorations du massif de Granada. C’est depuis ce village de Soloco où nous sommes logés chez nos amis de la famille Rojas, que nous allons reprendre les explorations du massif situé plus au Sud, entre 2800 et 3000 m d’altitude. Les explorations débutent sur le secteur de Toclón découvert quelques années plus tôt. Dans la perte oubliée (Tragadero Olvidado) découverte et partiellement explorée en 2023 (arrêt par crue), le fond est atteint à -185 m pour un développement de 1331 m. Dans un réseau fossile proche de l’entrée, une magnifique céramique de facture « chachapoya » est découverte. A proximité, l’exploration de la perte de Toclón 5 donne accès à un beau collecteur qui rejoint à l’aval Toclón 3-4 exploré en 2002, le système de Toclón développe maintenant 2323 m. La petite équipe de Granada rejoint le groupe de Soloco, et tous ensemble, nous partons installer un camp avancé sous le porche de Santa Maria, au Sud de Soloco. La perte de Santa Maria, découverte en 2003 et partiellement reconnue en 2023 est explorée jusqu’à une grande salle terminale à -207 m pour 1244 m de développement. A proximité, la perte de Parjugsha Arriba découverte et partiellement explorée en 2005 est, elle aussi, revisitée. La nouvelle topographie annonce 836 m pour -221 m dans cette cavité qui se termine également par d’immenses salles. Bilan des explorations à Soloco : 9 cavités explorées, 4667 m de galeries topographiées.

Cueva de Valle Andino. photo Christian Klein

Formation aux techniques de base en spéléo secours

Le 30 septembre, le groupe se sépare en deux. Une équipe part s’installer à la Cueva de Palestina, dans l’Alto-Mayo (région de San Martin), en forêt tropicale humide (800 m d’altitude). Une formation aux techniques de base en spéléo secours est organisée pour les guides de la grotte et les pompiers de la ville voisine de Nueva Cajamarca. Une dizaine de cavités sont visitées et explorées à proximité (230 m topographiés). La seconde équipe part effectuer une mission de collecte d’échantillons pour l’IRD sur les rios Marañón à Borja et Huallaga à Chazuta. En cours de route, une incursion rapide dans une vallée récemment colonisée (front pionnier, 1700 m d’altitude) permet d’explorer et de topographier partiellement la grotte de Valle Andino sur 1521 m.

Les cavernes péruviennes

« Les cavernes péruviennes : un patrimoine souterrain méconnu »

Lundi 27 Mai 2019 à 19H00

Rencontre avec Jean-Loup Guyot

Dans le cadre de la Semaine de l’Amérique Latine

 Les cavernes existantes dans les plateaux calcaires du Perou jouent des rôles importants dans les ressources en eau et dans la compréhension de l’évolution de la chaîne Andine. Elles constituent aussi un espace de préservation d’une biodiversité largement méconnue, tout en refermant de nombreux vestiges archéologiques et paléontologiques qui présentent aussi un potentiel touristique. Notre invité, spécialiste de ce domaine nous éclairera sur cet aspect si important, mais peu connu, de notre patrimoine péruvien.

Jean-Loup Guyot, hydrologue, est Directeur de Recherche à l’IRD et il a été représentant de cette institution au Brésil, puis au Pérou.

 Les Maisons du Voyage, 3 rue Cassette, 75006 Paris

Pour plus d’info :

http://cecupe.pagesperso-orange.fr/agenda.htm

 

https://www.semaineameriquelatinecaraibes.fr/

Symposium au Pérou

L’IRD et ses partenaires péruviens ont organisé un symposium scientifique sur les karsts du 27 au 29 aout à Chachapoyas au Pérou.

Ce symposium, le 2iem du genre, doit beaucoup à Jean Loup Guyot, directeur de recherche à l’IRD et correspondant CREI au Pérou. En effet, les activités scientifiques et spéléologiques de longue haleine, entreprises par Jean Loup, ont permis l’émergence d’une communauté spéléologique forte et ont fait progresser les connaissances sur les karts de la région. Entre autre Jean Loup a oeuvré à la création de l’Espeleo Club Andino (ECA) devenu la référence en terme d’explorations spéléos dans le pays.

En cloture du symposium, James Apaéstegui, président de l’ECA, a rendu un vibrant hommage à Jean Loup.

 

 

Une équipe franco-péruvienne engagée dans le secours de la Cueva de Inti Machay au Pérou

L’alerte

Le jeudi 18 septembre 2014, Nous sommes encore à Nueva Cajamarca quand nous apprenons qu’un accident est survenu à -400 m de profondeur dans une grotte près de Leymebamba (Amazonas, Pérou). La victime a fait une chute de 5 m à la suite d’une rupture d’un amarrage naturel. L’homme souffre de lésions à la colonne vertébrale et nous ne savons pas s’il a perdu l’usage de ses jambes.

Les membres de l’expédition franco-péruvienne Nueva Cajamarca 2014, organisée par le Groupe Spéléologique Bagnols Marcoule (GSBM) et l’Espeleo Club Andino (ECA) de Lima, sont prêts à intervenir. Tous se sont quittés il y a seulement quelques jours après la fin de l’expédition et décident de converger vers le lieu de l’accident au camp d’Hermoso Horizonte, près Leymebamba (fig. 1). Certains sont encore dans le Nord du Pérou et rejoignent rapidement le camp de d’altitude d’Hermoso Horizonte dans le massif de Lugar Tranquilo couvert par la Selva Alta. A plus de 3200 m, les conditions sont difficiles ; il pleut depuis plusieurs jours et le terrain est impraticable. En plus, il y fait froid et on manque de tout : eau potable, riz, sucre, café…

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fig.1 Situation de la Cueva de Inti Machay au Pérou

Dans une petite cabane (fig. 2) qui servira de QG, nous sommes accueillis par un groupe de filles très organisées de l’expédition hispano-mexicaine Inti Machay 2014. Elles ont à cœur de sortir leur camarade, Cecilio Lopez Tercero, piégé au fond du gouffre. Jean-Denis Klein, ancien conseiller technique (CT) du Gard des années 80, prend l’initiative d’organiser le secours souterrain assisté par deux membres de l’expédition Inti Machay 2014. Cette expédition, composée de deux Espagnols, de cinq Mexicains, d’une Française et d’une Italienne, avait pour principal objectif l’exploration de la Cueva de Inti Machay lorsque l’accident est survenu.

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Fig. 2 : La cabane à Hermoso Horizonte dans le massif de Lugar Tranquilo, près Leymebamba.

Les renforts

Là-haut, le site d’Hermoso Horizonte et un camp d’altitude situé à 1 h de marche de la Cueva de Inti Machay. Il est occupé par les effectifs nombreux de la police, de l’armée, des pompiers et de la Force aérienne du Pérou. En tout, beaucoup de monde d’une utilité discutable qui nous oblige à rationner notre nourriture… Car nous devons leur servir un repas par jour.

Nos collègues de l’ECA arrivent de Lima par avion, puis par hélicoptère. Ils sont accompagnés d’un médecin-pompier péruvien qui a accepté de descendre dans la grotte, bien qu’il ne soit pas spéléologue. Avec l’arrivée du reste de l’équipe, il est maintenant possible d’envisager une sortie pour remplacer l’homme qui veille Cecilio depuis deux jours au fond de la grotte. Cette grotte est en fait un « tragadero », c’est-à-dire une perte, qui descend d’abord par de petits ressauts à la profondeur de -200 m. Ensuite, la cavité accuse un profil plus vertical jusqu’à la profondeur de -400 m. Inti Machay, la « grotte du soleil » en Quechua, est équipée en première, ce qui signifie que de nombreux ressauts ou puits nécessitent des amarrages et cordes supplémentaires.

Selon le médecin, qui a examiné Cecilio, les vertèbres L2 ou L3 seraient touchées mais la moelle épinière ne l’est pas, car Cecilio Lopez Tercero peut remuer ses jambes (fig. 3). Par ailleurs, le constat des membres de l’équipe franco-péruvienne (GSBM-ECA) est sans appel : « Nous ne parviendrons jamais à sortir Cecilio seuls. Il faut une équipe d’au moins 40 spéléologues spécialisés dans les secours souterrains pour le tirer de là ».

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Fig. 3 : Le médecin-pompier de Lima au chevet de Cecilio à -400 m dans la Cueva de Inti Machay.

Bras de fer en Espagne

Pendant ce temps en Espagne, les réseaux sociaux (Facebook, etc) fonctionnent et des manifestations de spéléologues sont organisées à Madrid pour contraindre le gouvernement espagnol à envoyer des secours. Mais celui-ci répond qu’il n’a pas de lignes budgétaires pour cela. Par ailleurs, l’organisation des secours relève de l’Etat souverain : le Pérou qui n’a pas demandé l’intervention d’une aide extérieure…

Or, il se trouve que la victime, Cecilio Lopez Tercero, est membre du spéléo-secours de Madrid. Il a des amis prêts à intervenir, même s’ils doivent payer les frais de leur voyage à Lima.

Les Espagnols ont pris les choses en mains et coordonnent les secours. Bientôt, des secouristes affluent de toutes les régions d’Espagne et, par vagues successives, viennent grossir les effectifs.

Avec l’arrivée de la première vague de secouristes espagnols composée de six spéléologues très motivés, nous organisons une sortie dans la grotte. Au début, les Espagnols ne semblent pas convaincus par nos dires… Cependant, une sortie suffit pour qu’ils comprennent que leur objectif est trop ambitieux.

Un point chaud est installé à -300 (fig. 4), mais il faut renoncer à transporter le blessé de -400 à -300 m, car la pose des amarrages et des cordes prend du temps et nous ne pouvons pas rester des heures dans la cavité sans risquer un sur-accident…

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Fig. 4 : Installation des équipements et du point chaud à -300 m.

Au total, nous passons 16 h dans la grotte et Cecilio est un peu déçu de ne pas pouvoir « décoller » de -400 (fig. 5).

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Fig. 5 : Coupe schématique de la Cueva de Inti Machay (d’après Patrice Baby).

Pour l’équipe franco-péruvienne, la mission est terminée, car nous sommes intervenus sur le secours sans avoir été réquisitionnés et nous avons tous des obligations.

Nous descendons le 24 septembre 2014 dans la vallée d’Atuen pour rejoindre Leymebamba après 6 jours consacrés au premier secours spéléologique du Pérou.

Nous laissons derrière nous les équipes de secouristes espagnols qui se chargeront de faire le travail. Ce travail est très technique et les journalistes sont stupéfaits de l’apprendre. En effet, la population péruvienne, qui ignore le mot spéléologie, croit qu’il suffit de tirer sur une corde depuis l’extérieur de la grotte pour sauver Cecilio…

Fortes de 58 secouristes, les équipes espagnoles parviendront à sortir Cecilio de son piège. Après 12 jours passés sous terre, Cecilio Lopez Tercero voit enfin le jour le 30 septembre 2014 et sort sous les applaudissements de ses compatriotes et compagnons d’exploration.